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Indexation des salaires sur les prix: les Belges sont-ils mieux lotis que les Français ?

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Le système d'indexation des salaires belges semble être plus favorable dans les périodes où une forte inflation s'installe durablement. Lorsque les prix sont stables, les gains de pouvoir d'achat sont en revanche inférieurs en Belgique.

Faut-il indexer les salaires sur l'inflation? Après deux ans de hausse des prix inédite en Europe depuis des décennies, la question de lier les rémunérations à l'inflation est revenue dans le débat politique.

Avec comme principal exemple la Belgique qui malgré cette indexation ne semble pas avoir connu de spirale inflationniste, conséquence redoutée de la boucle "prix-salaires".

En place depuis 1920 et la création du premier indice des prix de détail par le ministère belge de l'Industrie, l'indexation des salaires sur les prix est pratiquée depuis plus d'un siècle. Mais contrairement à une idée reçue, ce n'est pas une obligation légale, comme le rappelle le quotidien Le Soir. Les employeurs l'utilisent très largement mais peuvent très bien décider de ne pas augmenter leurs salariés à proportion de l'inflation.

Ceci étant posé, qu'en est-il de l'évolution des salaires dans le royaume par rapport à ses voisins européens? Dans une note, le cabinet Asteres compare les hausses des salaires réels belges (compte tenu de l'inflation) depuis deux décennies avec ceux des grands pays européens.

Les salaires n'ont pas plus augmenté en Belgique.
Les salaires n'ont pas plus augmenté en Belgique. © Asteres

Le constat est sans appel. Les salariés belges ne sont pas mieux lotis que les Français, les Allemands, les Britanniques ou la moyenne des habitants de l'OCDE depuis le début du siècle. L'augmentation du pouvoir d'achat des Belges a été d'environ 7% entre 2000 et 2022 contre près de 15% pour les Allemands et plus de 20% pour les Britanniques et les Français.

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Sur une période relativement longue, marquée qui plus est par une inflation très faible, les Belges ne semblent pas profiter de ce mécanisme pour gagner du pouvoir d'achat. Comment expliquer ce paradoxe?

"Tous les salaires ne sont pas indexés sur l’inflation en Belgique, et le Smic l’est en France, rappelle Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès. L’indexation des salaires aux prix n’est pas obligatoire en Belgique même si, dans les faits, elle est appliquée par la majorité des entreprises. En France, le Smic est indexé sur l’inflation, la situation entre les deux pays est donc moins différente qu’il n’y paraît."

De plus, l'indexation pratiquée en Belgique ne prend pas en compte l'évolution des prix de l'ensemble des produits. Le tabac, l'alcool et surtout le carburant sont exclus du calcul de l'indice d'augmentation. En période de forte hausse des prix à la pompe par exemple, les salariés belges ne profitent pas du mécanisme. A l'inverse, le Smic français est lui indexé sur l’inflation supportée par les 20% des ménages les plus modestes. Comme les salariés au Smic ont une sensibilité plus forte aux hausses de prix, le salaire minimum a tendance à augmenter à un rythme plus rapide que l'inflation.

Les Belges perdent plus puis gagnent plus

Si depuis 20 ans, l'indexation belge n'a pas particulièrement avantagé les salariés, la situation est quelque peu différente depuis la flambée des prix fin 2022. Il faut d'abord rappeler que la hausse des prix a été bien plus forte en Belgique qu'en France, dépassant les 10% en glissement annuel dès le deuxième trimestre de 2022 quand en France le pic n'a été que de 6,3% en février 2023.

Néanmoins, les hausses de salaires ont été plus importantes en Belgique qu'en France depuis deux ans, atteignant même 10% au premier trimestre 2023 contre 4,5% environ en France.

Dans un premier temps, elles ont cependant été inférieures à l'inflation et les Belges ont perdu plus de pouvoir d'achat que les Français jusqu'au quatrième trimestre 2022 (-5% pour les premiers, -2% pour les seconds).

"En Belgique, l’indexation des salaires sur l’inflation est effectuée sur une base annuelle, ou pluri-annuelle (principalement dans le secteur non-marchand), explique Sylvain Bersinger. Lorsque l’inflation bondit soudainement, comme cela a été le cas en 2021-2022, l’indexation des salaires belges aux prix n’est donc pas instantanée."

Mais une fois que l'inflation s'est installée dans la durée, le mécanisme belge a mieux protégé le pouvoir d'achat des salariés. Les salaires réels ont dépassé les 5% au deuxième trimestre 2023 en Belgique avec le reflux de l'inflation depuis quelques mois. Une hausse importante qui vient cependant compenser une perte plus marquée de pouvoir d'achat (de l'ordre de 5% entre fin 2021 et fin 2022) comparée à la France.

Côté Français, les hausses accordées sur l'ensemble des salaires cette année ont fini par neutraliser l'inflation avec un gain nul en termes de pouvoir d'achat mais après une perte moindre (de l'ordre de 2%) en 2022.

"En France les salaires (autres que le Smic) tendent à suivre la dynamique des prix, observe malgré tout Sylvain Bersinger. Les salariés sont en effet plus enclins à réclamer des hausses de rémunération lorsque l’inflation augmente afin de conserver leur pouvoir d’achat. Même si elle n’est pas officialisée, il y a donc bien en France une forme "d’indexation" des salaires sur l’inflation."

Plus protecteur des bas salaires avec la hausse indexée du Smic sur l'inflation, le système français est en revanche moins favorable dans les périodes où une forte inflation s'installe durablement dans le temps. En période de stabilisation des prix comme observée dans les deux premières décennies du XXIè siècle, le système belge n'a pas démontré en revanche qu'il était plus favorable aux salariés, au contraire.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco