Que vont perdre les banques en fermant massivement leurs agences?

Les Français plébiscitent leurs agences bancaires, même si ils la fréquentent peu. - -
BNP Paribas, Deutsche Bank, Santander UK: les annonces de fermetures d’agences bancaires s’accumulent. Et elles commencent à devenir importantes: un tiers d’agences en moins pour BNP Paribas, au moins un quart pour Santander UK.
Mais, attendez... Ne faudrait-il pas mieux dire qu’elles "commencent enfin" à devenir importantes? Surtout en France, le pays qui conserve de loin le plus grand nombre d’agences par habitant en Europe – dans la Zone euro, une agence sur trois est française. Sachant que, dès 2012, 20% des agences des principaux réseaux bancaires n’étaient plus rentables et sachant que les services numériques n’ont cessé de se développer depuis, ces annonces de fermetures ne paraissent-elles pas très tardives en 2025, ou même insuffisantes? Après tout, BNP Paribas ne devrait fermer que 100 agences par an, sur 1.500, d’ici 2030.
Des conseils toujours aussi nécessaires
Cependant, ce ne sont pas les services numériques qui rendent beaucoup d’agences bancaires inutiles. Un conseil personnalisé est toujours largement sollicité par les clients – le réseaux de BNP Paribas enregistre 1,5 million de rendez-vous clients par an.
Comme nous l’annoncions dans ces colonnes dès 2019 -et comme le reconnait la récente annonce de Deutsche Bank- c’est la généralisation des contacts à distance, via la vidéo qui rend caduc le rattachement physique des chargés de clientèle à un endroit précis. La fermeture d’agences ne correspond donc pas à un abandon ou à une dégradation des services que les banques offrent à leurs clients – sinon pour ceux qui ne disposent pas des moyens numériques pour les utiliser désormais.
Un effet de proximité, de maillage du territoire
Pourtant, les banques vont bien perdre quelque chose à fonctionner sans agences, ce qui explique que les grandes institutions financières américaines abordent différemment les choses: elles réduisent et remodèlent leurs implantations – certaines en ouvrent même– plutôt qu’elles ne les ferment. Et ce quelque chose tient à la visibilité des enseignes bancaires dans notre espace immédiat.
Au cœur des petites villes, la présence ancienne des agences de certaines banques, le plus souvent mutualistes, font que certaines ont fini par avoir pour client la moitié des habitants d’un département. Dans les villes moyennes, cette "totémisation" n’est pas moins forte et, même dans l’espace péri-urbain, la présence de telle ou telle enseigne près des lieux de travail aura décidé beaucoup de clients à y ouvrir un compte.
Créer une marque différente
Sans cet effet de proximité, que restera-t-il? En France, le nom des grandes banques est très connu. Pour autant, celles-ci ne sont pas pleinement des marques, au sens où le public ne fait pas clairement de différence entre leurs services – où alors en se référant, justement, à l’accueil différencié qu’il reçoit dans leurs agences. Dès lors que cette différenciation ne jouera plus ou jouera moins, comment les institutions financières vont-elles imposer leur marque?
La question est d’autant plus pressante que les néobanques et banques en ligne à succès savent très bien, elles, s’imposer comme des marques distinctes. Il y a déjà un moment ainsi qu’en France BoursoBank ou Fortuneo ne sont plus choisies par défaut ou pour voir. C’est encore plus vrai de Revolut qui se retrouve en tête des ouvertures de comptes dans des pays où il est à peine présent. Quant à la brésilienne Nu Bank, sans doute la néobanque la plus rentable au monde, certaines grandes enseignes comme Burger King jugent sa clientèle suffisamment importante et spécifique pour lui proposer des offres particulières – les autres clients pourront cependant recevoir … un câlin!
Sans l’atout de proximité que représentent encore leurs agences, les banques classiques seront jugées sur leurs tarifs, leur accès au crédit et le niveau de service qu’elles dispensent à distance. Y sont-elles vraiment prêtes?