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Guillaume Almeras

En se lançant en France, MyMonty rouvre la question, mal traitée, de l’exclusion financière

La banque en ligne MyMonty se lance en France.

La banque en ligne MyMonty se lance en France. - MyMonty

[AVIS D'EXPERT] La solution de paiement numérique MyMonty arrive en France et s'adresse notamment à un public jusqu'ici mal-servi par les banques.

Le 18 septembre dernier, le Groupe Monty a annoncé le lancement, en France puis dans l’UE, de sa solution de paiement numérique MyMonty. Une solution s’efforçant de conjuguer technologies de pointe dans la sphère financière et simplicité, présentée d’abord comme un outil favorisant l’inclusion financière.

Cette dernière dimension paraît particulièrement intéressante dans la mesure où, en France, l’inclusion financière ne représente pas réellement un enjeu pour la plupart des banques et néobanques. Non que le sujet n’intéresse pas ou soit négligé, au contraire! Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux travaux de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, patronné par la Banque de France, ainsi qu’aux dispositions réglementaires appliquées aux banques qui en suivent.

Seulement, dans un pays où le taux de bancarisation de la population est très élevé (de l’ordre de 96% à 98%), l’exclusion financière est le plus souvent considérée de manière très et sans doute trop stricte, puisqu’elle ne concerne que les personnes qui demeurent hors du système bancaire, ou dont la situation parait particulièrement fragile en son sein (c’est notamment le cas du surendettement); soit de 2% à 4% de la population (5% dans l’UE).

Exclusion financière au sens large

Dès lors, ce n’est pas que ces personnes ne préoccupent pas les établissements financiers (pensons aux "Points passerelle" du Crédit Agricole, par exemple) mais elles ne représentent pas une cible commerciale, ni pour les banques classiques, ni pour aucune des principales banques en ligne ou néobanques qui se sont lancées en France ces vingt dernières années (à l’exception, dans une certaine mesure, de Nickel).

L’offre de Monty pourrait donc paraître assez peu opportune sur le marché français. Sauf à parler d’exclusion financière au sens où on l’entend davantage dans les pays anglo-saxons, comme le fait d’être mal-servi par les banques, d’avoir un accès limité aux services financiers. Selon Monty, cela concerne 42% des habitants de l’UE.

Le chiffre paraît élevé mais regardons en France. Combien de ménages accèdent réellement au crédit? Moins d’un sur deux ces dernières années. Combien de Français ne disposent même pas d’une autorisation de découvert? Plus d’un quart. Combien ne rencontrent jamais un conseiller? Plus d’un tiers. Et parlons commodité: est-il si facile pour les populations migrantes, comme les plus d’un million d’étudiants qui sillonnent l’Europe chaque année, d’ouvrir un compte dans une banque?

Exploiter les fonctionnalités P2P

Dans ces conditions, Monty apparait moins comme une néobanque que comme un opérateur de réseaux offrant la possibilité de réaliser en ligne et sur mobile des transactions financières. Le mot "réseau", en effet, fonde en l’occurrence toute la stratégie, doublement appuyée sur des partenariats (plus de 1.000) avec des opérateurs télécom, ainsi que sur des communautés transfrontières, Monty (créé en 1998) étant déjà installé dans 19 pays sur plusieurs continents.

Sans surprise, ainsi, MyMonty propose deux offres phares: des transferts à bas coût et des échanges de pair à pair (P2P), permettant de réaliser des paiements mais aussi des avances entre particuliers

C’est un autre point intéressant car les fonctionnalités P2P demeurent encore assez sous-exploitées en France (où elles ont néanmoins porté le succès de Lydia et où Paypal comptait deux millions d’utilisateurs de son service dédié dès 2018), par comparaison avec d’autres pays et notamment avec les États-Unis, où Venmo a rencontré un tel succès qu’elle a été la première fintech qui, mondialement, a obligé les banques le plus installées à lui faire concurrence. Au P2P, MyMonty ajoute une dimension transfrontières, ce qui n’a jamais été encore vraiment exploré en France.

Un marché bancaire à peine soupçonné

Banque de réseau, banque de communautés, banque sans effort: loin d’être banale, l’offre de MyMonty ouvre de nouvelles pistes. C’est un peu comme si la célèbre application africaine de paiements et transferts sur mobile M’Pesa s’installait en France. Toutefois, Monty n’est pas particulièrement lié à une région du monde. Et son offre est globale, tout à fait assimilable, pour les fonctionnalités bancaires, à celles de néobanques numériques (portefeuille électronique, cartes physiques et virtuelles, paiements par QR Codes…).

En France, la difficulté sera certainement pour Monty de se faire connaître et, pour cultiver pleinement l’effet réseau recherché, de nouer des partenariats intéressants pour sa clientèle, particulièrement sous la perspective de défense du pouvoir d’achat; ainsi que sous celle de l’épargne.

De ces deux points de vue, une stratégie de "banque embarquée" paraît s’imposer. Autre piste assez nouvelle par ici… Mais, quoi qu’il en soit, en invitant à reconsidérer ce qu’on nomme sans doute de manière trop restrictive l’exclusion financière, Monty montre tout simplement qu’il y a encore en France un marché bancaire à peine soupçonné.

Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor