Un futur concurrent de la SNCF en 2025: Le Train achètera des rames à grande vitesse à l'espagnol Talgo

Les choses avancent doucement mais sûrement pour Le Train, cette nouvelle compagnie ferroviaire française qui souhaite lancer une liaison régionale à grande vitesse dans le Grand Ouest entre Arcachon, Bordeaux, Angoulême, Poitiers, Tours, Angers, Nantes et Rennes. En offrant une fréquence de trains importante.
Fort d'un cadre légal prêt, de ses autorisations ferroviaires et d'une partie de son financement (notamment grâce à l'entrée de deux banques dans son capital), l'entreprise a annoncé ce lundi le nom de son partenaire industriel retenu pour la construction de son matériel roulant neuf, un investissement de 300 millions d'euros environ.
Il s'agira de l'espagnol Talgo qui fournit notamment ses rames à grande vitesse à l'opérateur national espagnol Renfe et à l'allemand Deutsche Bahn.
Le Train lui a commandé, pour commencer, 10 rames issues de la plateforme "Avril" qui permet à Talgo d'adapter une architecture commune aux souhaits des opérateurs en matière de design interieur. Elles pourront embarquer 360 passagers et circuler jusqu'à 330 km/h. La maintenance des rames sera également confiée à l'industriel. La construction des rames débuterait dès le premier semestre 2023, après signature des contrats.
"On est heureux de ce choix notamment parce que Talgo a des usines dans le Pays basque espagnol, à 300 kilomètres de Bordeaux, a une forte capacité d'adaptation industrielle et parce que le partenariat est sur du long terme" commente Alain Gétraud, directeur général de la compagnie Le Train.
"L'expérience voyageur est également importante et leurs trains offre une accessibilité importante comme pour l'emport de vélos (jusqu'à 40 par rame, NDLR), c'est important pour nous" poursuit-il.
C'est donc la première fois en France qu'un opérateur partant de zéro lancera une offre ferroviaire à grande vitesse en France en concurrence de la SNCF. Mais "construire une compagnie ferroviaire uniquement pour le Grand Ouest et uniquement pour dix rames n'aurait aucun sens", a remarqué Alain Gétraud, qui espère pouvoir "doubler cette flotte dans un délai assez proche, a minima".

300 millions d'euros
C'est une bonne nouvelle pour l'entreprise privée et la concurrence encore famélique dans le rail français mais elle a son revers.
Actuellement, beaucoup d'opérateurs, historiques ou nouveaux, sont à la recherche de rames neuves à l'achat, afin de renforcer ou de lancer des liaisons ferroviaires en Europe.
Ce qui provoque d'importants engorgements et donc des délais de livraison plus longs qu'à l'habitude: de 24 à 36 mois. Conséquence, Le Train qui souhaitait au départ se lancer en 2022 sera finalement sur les rails début 2025. Un retard qui concerne un nombre importants d'acteurs comme Midnight Train en France ou European Sleeper en Belgique.
Le choix du neuf est par ailleurs en contradiction avec la philosophie écoresponsable du futur opérateur qui souhaitait initialement utiliser du matériel d'occasion.
Il est bien sûr moins coûteux, moins carboné et permet d'être plus rapidement opérationnel. Avec du matériel d'occasion, Le Train concède qu'il aurait pu se lancer bien plus rapidement, dès cette année d'ailleurs: "on a la capacité industrielle de revisiter ce matériel, de le refiter", nous explique Alain Gétraud.
Mais comme dans le neuf, l'entreprise se heurte à une pénurie de matériel réformé: "il n'y a pas de processus fluide pour acquérir ce matériel", se désole le dirigeant.
Trains d'occasion: "On ne désespère pas"
Et aux décisions de SNCF Voyageurs qui gère un parc important de trains d'occasion de la SNCF. Elle oppose en effet pour le moment une fin de non recevoir à la compagnie qui souhaite lui racheter une dizaine de rames TGV.
"Ce n'est pas le choix de SNCF Voyageurs mais bien la réglementation européenne (n°1907/2006 REACH) qui nous interdit toute vente ou cession de matériel du type recherché. Cette interdiction a été formellement confirmée par les services de l’Etat" nous explique un porte-parole de la SNCF.
Cette réglementation est relative à la présence de substances chimiques et à sa détection dans les produits vendus dans l'UE et a donné lieu à un arrêté en 2019 sur le repérage de l'amiante avant certaines opérations dans les matériels roulants ferroviaires. Or, certaines rames TGV réformées contiennent cette substance cancérigène.
Pour autant, Alain Gétraud reste confiant quant à la capacité de SNCF Voyageurs de faire évoluer sa position tout simplement parce que l'arrivée d'un nouvel acteur est bonne pour tout le marché, il fait grossir la part du train dans les déplacements.
Pas d'impact sur le prix des futurs billets
Et le dirigeant "ne désespère pas complètement de réussir avec du matériel d'occasion puisqu'on a toujours des discussions en cours avec des partenaires industriels même si ça prend plus de temps".
Enfin, le choix du neuf modifie en profondeur le modèle économique du Train avec un investissement initial en matériel bien plus important que ce qu'il aurait dû être avec de l'occasion.
"Lever de l'argent pour cet investissement prend du temps et c'est ce qui a retardé notre calendrier" nous explique Alain Gétraud. "Tout cela est une première en France, ça prend du temps, le chemin est vierge" poursuit-il.
Par contre, la compagnie assure que ce changement de modèle ne modifiera pas l'approche "loisirs" (et sans classes) de l'offre qui visera notamment les jeunes. "Ce matériel est amortissable sur une période beaucoup plus longue, plus de 30 ans, ça n'aura pas d'impact sur le prix du billet" promet l'entrepreneur.