Tunnel sous la Manche: Uber annonce qu'il va vendre les billets de la compagnie Gemini (qui est loin d'exister)

C'est un peu mettre la charrue avant les boeufs. Dans un communiqué commun, le géant Uber annonce un partenariat avec Gemini Trains pour la distribution à travers son application de billets pour son futur service de train à grande vitesse sous la Manche, qui concurrencera Eurostar pour le moment en situation de monopole.
En mars dernier, le britannique Gemini Trains annonçait son intention de se lancer en 2028, expliquant plancher sur une offre depuis deux ans afin de proposer des liaisons internationales depuis Londres.
"Avec les nouvelles générations qui optent plus facilement pour le train dans le cadre de leurs déplacements, il y a une vraie opportunité de rendre le secteur plus dynamique et d'offrir des tarifs compétitifs sur l'un des plus importants trajets ferroviaires d'Europe", explique l'entreprise.
Concrètement, la société a annoncé qu’elle souhaitait proposer des services entre Londres et Paris/Bruxelles dans un premier temps, "avec d’autres destinations passionnantes en cours de développement". Elle a demandé les autorisations nécessaires et un accès au centre de maintenance d'Eurostar. Elle affirme qu'elle compte acquérir 10 trains à grande vitesse pour son service.
Pas de détails sur le plan de financement
Pour autant, au-delà de l'effet d'annonce, le projet reste flou. On le sait, les besoins en capitaux pour se lancer sont colossaux et Gemini Trains ne dit rien sur ses capacités d'investissements.
Notamment pour acheter des trains, trains qui seront longs à obtenir compte tenu de leurs spécificités (pouvoir circuler à travers différents pays notamment) et des retards de production chez les industriels européens. Ces rames sont par ailleurs chères car elles doivent être capables de rouler à 300 km/h.
A date, Gemini Trains n'a donc pas annoncé de plan de financement, ni de commande ferme auprès d'un industriel. Autant dire que la date de 2028 pour un lancement apparaît assez optimiste et l'annonce d'Uber un peu prématurée.
D'autant plus que d'autres prétendants semblent un peu plus avancés et qu'il n'y aura probablement pas de place pour tout le monde.
La capacité du dépôt de Temple Mills, le seul capable d’entretenir des trains à grande vitesse aux normes européennes, est limitée. Il faudrait soit l'agrandir, soit en construire un autre car en l'état, pour certains observateurs, les infrastructures actuelles permettraient d'accueillir qu'un seul concurrent à Eurostar.
Virgin Group, le groupe du milliardaire britannique Richard Branson, a confirmé ses ambitions qu'il souhaite lancer son projet de services ferroviaires transmanche et compte lever 700 millions de livres, soit 834 millions d'euros, pour son projet.
Virgin, qui exploitait auparavant des trains interurbains en Grande-Bretagne, prévoit de relier Londres à Paris et à Bruxelles, puis à Amsterdam. Elle vise un service à haute fréquence et un lancement en 2029.
Beaucoup de prétendants mais...
La presse britannique évoque une perspective d'achat par Virgin de 12 rames neuves pour 600 millions d'euros. Virgin évaluerait actuellement les propositions d'Alstom, Hitachi, Talgo et Siemens. L'objectif serait de passer commande cette année. Ces informations n'ont pas été confirmées par la firme.
Autre prétendant, Evolyn, un consortium piloté par Mobico (ex-British National Express), un transporteur britannique dont la famille espagnole Cosmen est le principal actionnaire.
Ou encore l'italien Ferrovie dello Stato (FS) qui affiche ses ambitions: relier "Londres à Paris en 2029" avec "des rames inspirées du Frecciarossa", le train à grande vitesse qui circule sur le réseau à grande vitesse italien et en France entre Paris, Lyon et Milan sous la marque Trenitalia.
"Avec un investissement prévu d’un milliard d'euros, la nouvelle liaison s'inscrit dans les objectifs du Plan stratégique 2025-2029, qui place l'extension des liaisons à haute vitesse en Europe parmi les priorités du Groupe FS", peut-on lire dans un communiqué.
FS envisage d'ailleurs un partenariat avec Evolyn. La compagnie disposerait d'un atout de taille. Selon le blog spécialisé CrossBorderRail, une partie de ses Frecciarossa fabriqués par Hitachi sont compatibles avec le tunnel sous la Manche et la ligne à grande vitesse côté Angleterre. De quoi se lancer bien plus rapidement et en faire un candidat très sérieux.
On peut également citer Heuro, une start-up néerlandaise qui a officiellement demandé des créneaux horaires entre Amsterdam et Londres afin de lancer un service en 2028 avec 15 trajets quotidiens.
L'espagnol Renfe a également affiché des ambitions sans pour autant en dire plus.
Enfin, il ne faut pas oublier Eurostar qui n'entend pas rester inactif face à cette effervescence concurrentielle. L'opérateur prévoit notamment d’augmenter sa propre flotte de 50 nouveaux trains d'ici à 2030.