"Le fauteuil c'est mes jambes": le fauteuil roulant d'une femme endommagé à chaque vol Bastia-Paris

Chaque année depuis six ans, le fauteuil roulant d'une jeune femme en situation de mobilité réduite est endommagé lors de son vol retour à l'aéroport d'Orly, malgré ses mises en garde. Audrey Lefèvre, 27 ans, envisage désormais de porter plainte: elle raconte à BFMTV.com.

"Une fois, ça arrive. Deux fois, je suis gentille. Mais à chaque fois, c'est inadmissible!" Chaque été ces six dernières années, Audrey Lefèvre rentre de vacances sans fauteuil roulant, parce que celui-ci a été endommagé à l'aéroport, lors du transport en soute. Mardi dernier à son retour de Bastia (Corse), même rengaine: elle découvre à nouveau son fauteuil plié de force sur le tapis d'arrivée des bagages d'Orly.

"Il n'est plus en état de rouler... Les roues du fauteuil sont voilées et penchent à droite et les fils électriques qui relient le moteur à la télécommandes sont coupés", affirme à BFMTV.com Audrey Lefèvre, "extrêmement en colère et très fatiguée".

"Je voudrais juste prendre l'avion comme tout le monde"

"Je voudrais juste pouvoir prendre l'avion comme tout le monde", tempête la jeune femme de l'Oise, qui en a fait un thread très partagé sur Twitter. "Ils ne se rendent pas compte de l'impact que ça a sur moi. C'est déjà bien assez compliqué d'être en situation de handicap, si en plus on nous prive de ce qui nous est le plus précieux... Désormais je suis très embêtée, je ne peux plus ne serait-ce que sortir de chez moi ou me rendre au travail".

En effet, la jeune femme de bientôt 27 ans a absolument besoin de son fauteuil roulant électrique pour pouvoir se déplacer. Depuis sa naissance, elle est atteinte du syndrome d’Ullrich, une myopathie qui l'empêche de bouger les muscles de ses jambes et ses bras: une dystrophie musculaire congénitale.

D'habitude, elle explique que les agents en charge des bagages placent le fauteuil sans le plier dans un caisson au niveau des bagages hors-format afin de ne pas l'abîmer pendant le transport, et le lui restituent en mains propres plutôt que sur le tapis roulant, où il ne passe pas non-plié.

Mais cela fait six fois de suite qu'après avoir effectué le voyage dans le sens Bastia-Paris avec Air France, son fauteuil lui revient plié, et donc endommagé. Pourtant cette fois, la jeune femme avait pris le soin d'écrire noir sur blanc, en français et en anglais, "ne pas plier, merci" à l'attention du personnel. Et pour cause, un fauteuil électrique de la sorte coûte très cher: entre 7500 et 8000 euros.

"On m'a dit: 'on préfère racheter un fauteuil et avoir des intérimaires plutôt que du personnel qualifié'"

"Je ne peux pas faire plus que ça! C'est fatiguant et inadmissible", souffle Audrey Lefèvre, qui envisage désormais de porter plainte. Car à chaque fois, mener de longues démarches administratives pour prouver que son fauteuil a bien été abîmé dans le cadre du vol, afin que la compagne aérienne accepte de lui renvoyer un nouveau fauteuil, et éventuellement de la dédommager.

"Une fois avoir établi un dossier de réclamation sur place, il faut les contacter en ligne puis par téléphone et attendre qu'ils nous recontactent. Ça peut durer entre 3 et 6 mois avant qu'Air France reconnaisse sa responsabilité, et accepte un dédommagement. Et encore la dernière fois, ils ont accepté parce que je les ai menacé de porter plainte".

"Je voudrais ajouter qu’il y a deux ans lors d’une réclamation (déjà), Air France m’a dit mot pour mot 'on préfère racheter un fauteuil et avoir des intérimaires plutôt que du personnel qualifié ça nous revient moins cher'", raconte encore sur Twitter la jeune femme, qui dit n'avoir jamais eu un mot d'excuses de la compagnie aérienne.

Le dommage constaté et pris en charge par Air France

"Malmener le moyen de locomotion d'une personne handicapée, c'est comme si vous malmeniez les jambes de quelqu'un", explique à BFMTV.com Sandra Bossard, présidente de l'association française des professionnels pour l'accessibilités des personnes handicapées (AFPAPH). "C'est s'attaquer à sa liberté", ajoute celle qui déplore ainsi "le cruel manque de formation du personnel dans les différents types de transports, qui est souvent à l'origine du manque d'accessibilité des personnes à mobilité réduite".

"L'accessibilité des transports aux personnes handicapées, c'est un sujet que personne ne prend vraiment à bras le corps", regrette encore Sandra Bossard. "De plus en plus de compagnies font appel à des prestataires extérieurs pour la gestion des bagages, ce qui leur permet aussi de se déresponsabiliser dans ce genre de cas".

Air France, contacté par BFMTV.com, confirme que la chaise roulante d'Audrey Lefèvre a bien été endommagée dans le cadre d'un vol avec la compagnie. "Le service Saphir est désormais en lien avec la cliente pour le suivi de son dossier. Le dommage a été constaté au niveau du chargement mais on ignore encore à ce stade à quel moment l'appareil a précisément été abîmé".

"La répération du fauteuil sera totalement prise en charge par Air France et un fauteuil de location va être mis à sa disposition", a précisé un porte-parole de la compagnie, qui assure que "le personnel de piste est formé à la manipulation des différents sièges roulants selon leur typologie".

Enfin, la compagnie aérienne précise que l'incident de fauteuil survenu à l'été 2021 a eu lieu avec une compagnie concurrente, et dit ne pas avoir d'informations sur de précédents incidents qui auraient eu lieu avec la jeune femme. La jeune femme, elle, confirme pourtant que chacun d'entre eux a bien eu lieu avec Air France, et qu'elle a été contrainte de prendre une autre compagnie l'an passé car son vol initial avec Air France avait été décalé. Elle précise que c'est toutefois bien Air France qui avait pris en charge ses frais a posteriori.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV