Kevin Speed prend son temps: le concurrent low-cost de la SNCF dans la grande vitesse retarde son départ de 2 ans, ce sera... en 2030

Que le chemin est difficile pour les nouveaux venus de la grande vitesse ferroviaire en France afin de concurrencer les TGV de SNCF Voyageurs. Et la communication bien rodée de ces jeunes compagnies annonçant parfois des dates de lancement très optimistes se heurte à deux réalités: financière avec le défi de réunir au moins un milliard d'euros pour se lancer, et matérielle avec les délais de production chez les industriels de plus en plus longs des trains.
Ces deux réalités bousculent mécaniquement les calendriers de ces entreprises qui partent de zéro même si elles sont dirigées par des professionnels du secteur.
Exemple avec Kevin Speed et son service Ilisto dirigé par Laurent Fourtune (un expert des transports urbains notamment avec la RATP) associé à quatre experts du rail.
Annoncé il y a un an, le projet de nouvel opérateur ferroviaire à grande vitesse avec des liaisons vers Lille, Strasbourg et Lyon avec une desserte des gares intermédiaires et une approche tarifaire "abordable" avance mais est encore loin d'être bouclé.

Interrogé en mai dernier, Laurent Fourtune disait toujours tabler sur un lancement commercial à horizon fin 2028, une date également écrite sur ses supports de communication. La compagnie évoque aujourd'hui plutôt la seconde moitié de 2030. Un nouvel objectif confirmé par l'entreprise à BFM Business.
Financement toujours pas bouclé
L'opérateur cherche toujours à boucler un financement de 1,2 milliard d'euros, un défi aujourd'hui encore plus complexe étant donné le contexte politique et économique avec la remontée des taux d'intérêt.
"On avance, les discussions avec les banques et les investisseurs sont très avancées, on boucle le pool d'investisseurs", nous expliquait Laurent Fourtune.
Dans le Financial Times, son directeur financier Guy Saidenberg dit espérer lever les fonds d'ici la fin de l'année.
En attendant, l'opérateur annonce à nos confrères de La Tribune avoir choisi Le Creusot pour y installer sa base d'exploitation et de maintenance. La première pierre devrait être posé en 2027 ou en 2028.
"La zone Coriolis, en face de la gare TGV du Creusot, a été retenue pour sa proximité avec la ligne Paris-Lyon. Le bassin du Creusot-Montceau dispose des ressources nécessaires pour former nos techniciens et conducteurs", explique-t-il.
Rappelons que 'idée d'Ilisto est d'offrir "la grande vitesse pour tous, tous les jours" avec "des trains rapides (300 km/h) et low-cost entre les métropoles et les villes situées proches de celles-ci à l’horizon, soit une desserte fine des territoires mais à grande vitesse, à mi-chemin entre le TGV et l'Intercités avec des "rotations rapides et nombreuses".
"Notre logique, c'est celle de l'aérien avec une forte densité de passagers à bord de trains standardisés, des arrêts courts pour gagner du temps et de l'argent, beaucoup de rotations, des gares intermédiaires pour attirer des voyageurs qui ont peu de solutions de transports rapides vers Paris et des prix bas", expliquait à BFM Business, Laurent Fourtune.
Logique du low cost aérien
Et d'évoquer 3 euros aux 100 km en heure creuse pour les trains à destination de Strasbourg et Lille, et à partir de 5 euros aux 100 km en heure creuse pour ceux partant pour Lyon.
Côté trains, l'opérateur affirme s'être engagé à acheter 20 nouvelles rames à Alstom, "elles sont spécialement conçues afin de répondre aux besoins du plan d'affaires innovant d’ilisto", peut-on lire dans un communiqué.
"Nous ferons rouler des rames à 1 étage Avelia Stream 300 qui pourront embarquer 750 personnes", poursuit le dirigeant.
C'est bien plus qu'un TGV classique à deux étages qui peut en embarquer 634, la capacité et le remplissage étant la clé de la rentabilité dans cette équation.
Mais faute de plan de financement bouclé, rien n'a encore été signé avec Alstom, et même si les deux entreprises travaillent ensemble depuis quelques années sur les spécificités du train, la production n'a pas commencé.
Etant donné les délais de fabrication entre la signature du contrat commercial et les premiers tours de roues commerciaux, au moins cinq ans en étant optimiste, on comprend mieux pourquoi Kevin Speed décale son calendrier.
Rappelons que le seul nouvel opérateur dans la grande vitesse ayant bouclé un plan de financement et signé un contrat de fabrication de rames est Velvet (ex-Proxima) qui entend attaquer la façade ouest en 2028.