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Ivresse, violences... Augmentation inquiétante du nombre de passagers indisciplinés dans les avions

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Selon une étude de l'aviation civile, 40 incidents sur 1.000 vols ont été notifiés par les compagnies aériennes françaises l'an dernier contre 30 en 2021. Une tendance qui touche l'ensemble du secteur.

Agressivité verbale ou physique, insultes, passagers saouls, remarques désobligeantes ou sexistes, cigarettes fumées en cachette, bagarres… Si les comportements inappropriés ont toujours existé dans les avions, depuis la fin de la pandémie de covid, les chiffres sont clairement orientés à la hausse. Partout dans le monde.

"La tendance croissante des incidents de passagers indisciplinés est inquiétante", alerte ainsi l’IATA, l'association mondiale des compagnies aériennes.

40 incidents sur 1.000 vols contre 30 seulement en 2021

En France, un quart des voyageurs déclare ainsi avoir déjà rencontré des situations socialement inacceptables en avion, révèle une étude de Kayak.fr. Et selon les derniers chiffres de l'aviation civile (DGAC):

  • 40 incidents sur 1.000 vols ont été notifiés par les compagnies aériennes françaises l'an dernier,
  • contre 30 en 2021,
  • 34 en 2022 et
  • 31 en 2023.
"La hausse significative de la notification de comportements perturbateurs (compromettant la sécurité, l'efficacité opérationnelle et le bon déroulement des vols) dénote une tendance inquiétante", peut-on lire.

"Un des enjeux est la détection des comportements PAXI (le terme pour les passagers perturbateurs) le plus en amont possible, certains étant difficilement repérables avant l’embarquement. Ces incidents mobilisent l’équipage, réduisant sa capacité à prendre en compte d’autres urgences. Au sol, ils peuvent également, perturber la préparation du vol et accentuer le stress des personnels au sol comme des équipages".

Un coût financier important pour les compagnies

Ils coûtent également beaucoup d'argent aux compagnies compte tenu des déroutages ou des retards engendrés par ces incidents.

"Des actions seront prises par la DGAC dans le cadre du plan Horizon 2028 sur ce sujet devenu prioritaire: par exemple, des actes règlementaires qui permettent aux transporteurs aériens de transmettre un signalement", poursuit l'entité.

Comment expliquer cette tendance? Il semble que de plus en plus de passagers embarquent ivres dans les avions ou boivent plus que de raison à bord. Il faut rappeler qu'en altitude, avec la pressurisation de la cabine, les effets sont décuplés.

Les politiques commerciales de certaines compagnies low cost, où absolument tout est payant en option, génèrent également des tensions dans les cabines entre les passagers et les équipages.

Il faut dire que pour le secteur, en finir avec ces comportements est un défi, la prévention étant un levier à l'efficacité limitée. Et dans la plupart des cas, les passagers bénéficient d'une certaine immunité, se plaignent les compagnies.

"Il manque une coordination entre les pays", estime sur BFMTV, William Bourdon, délégué syndical SNPNC-FO Easyjet.

"En fonction des destinations, les règles ne sont pas les mêmes, ça sème la confusion. Une harmonisation des règles serait de bon ton. Et il faut appliquer la convention de Montréal plus fermement et de mettre des amendes qui perturbent les vols", poursuit William Bourdon.

Pas d'harmonisation mondiale qui débouche sur une impunité

"Si le passager est dans un avion français, il est dans une zone française mais s'il atterrit dans un autre pays; le protocole de Montréal oblige ses signataires à agir juridiquement", complète Jean Serrat, ancien pilote de ligne et consultant aéronautique pour BFMTV.

Ce protocole est censé diminuer les risques de perturbation en vol en détectant en amont les passagers indisciplinés mais il n'a été signé que par 40 pays.

Par ailleurs, en juin 2022, le gouvernement a présenté une ordonnance "qui enclenche la création d'un régime de sanctions administratives et pénales permettant de réprimer le comportement de passagers dits perturbateurs ou simplement agités lors d'un vol de transport aérien public".

Mais les compagnies veulent aller plus loin. Ryanair, dont les vols sont régulièrement perturbés, poursuit désormais en justice ses passagers indisciplinés, et leur réclame des dommages et intérêts salés (jusqu'à 15.000 euros).

Pour Michael O’Leary, le patron de la compagnie, il est maintenant temps de sévir. Dans un entretien au Telegraph, il demande que les bars des aéroports limitent la vente d'alcool aux passagers à deux boissons et exige "une tolérance zéro".

"On obtient un comportement beaucoup plus agressif qui devient très difficile à gérer. Et cela ne vise pas seulement l’équipage. Les bagarres entre passagers sont désormais une tendance croissante à bord des avions", dit-il.

Ryanair veut que les bars des aéroports limitent la vente d'alcool

Et d'expliquer: "il n’est pas si facile pour les compagnies aériennes d’identifier les personnes ivres à la porte d’embarquement, en particulier si elles embarquent avec deux ou trois autres personnes. Tant qu’elles peuvent se lever et se déplacer, elles passent. Ensuite, lorsque l’avion décolle, nous voyons leur mauvaise conduite".

"Nous n’autorisons pas les gens à conduire en état d’ivresse, et pourtant nous continuons à les mettre dans des avions à 33.000 pieds" poursuit-il.

Delta Airlines de son côté ne veut plus transporter des passagers déjà connus pour ce type d'incident. Elle réclame ainsi au ministère de la Justice d'agir au niveau fédéral en établissant une liste noire nationale visant à interdire ces personnes de vol sur toutes les compagnies américaines.

Non seulement une telle liste permettrait de réduire le nombre de ces incidents et donc les retards d'avions mais représenterait un "symbole fort des conséquences du non-respect des instructions des membres d’équipage", déclare Ed Bastian, directeur général de la compagnie américaine.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business