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"75% des passagers en seraient exclus": le Parlement européen va rejeter la réforme qui complique le droit à l'indemnisation en cas de retards et annulations de vols

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Le Comité des Transports et du Tourisme du Parlement européen s'est prononcé pour le maintien des conditions actuelles d'indemnisation. Cette décision doit servir de cadre aux parlementaires européens qui doivent s'exprimer sur cette réforme voulue par le Conseil de l'Union.

La réforme du fameux règlement européen adopté il y a plus de 20 ans par l'Union européenne pour protéger les passagers des retards et annulations de vols ne passera pas comme une lettre à la poste. Poussé depuis des années par Airlines for Europe, un des principaux lobby du secteur, le Conseil de l'Union européenne a finalement adopté après 12 ans d'âpres négociations une révision des barèmes, pas franchement à l'avantage des consommateurs.

Actuellement, le règlement prévoit un dédommagement de 250 euros pour les vols de moins de 1.500 kilomètres, de 400 euros pour les vols compris entre 1.500 et 3.500 kilomètres et de 600 euros pour les vols de plus de 3.500 kilomètres. Le tout pour des retards supérieurs à trois heures. La réforme vise à proposer 300 euros pour les vols de moins de 3.500 kilomètres, ainsi que pour tous les vols intra-européens, à partir de quatre heures de retard et 500 euros pour les trajets plus longs, à partir de six heures de retard.

Les associations de consommateurs européennes ont fustigé cette mesure. "Les nouveaux seuils d'éligibilité priveront la majorité des passagers de leurs droits d'indemnisation, étant donné que la plupart des retards se situent entre 2h et 4h", dénonce le Bureau européen des unions de consommateurs. Pour les associations, avec ce texte, "75% des passagers seraient exclus du droit à indemnisation".

"Pierre angulaire du voyage moderne"

Une opposition entendue par le Parlement européen qui doit se prononcer prochainement sur cette réforme. Le Comité des Transports et du Tourisme du Parlement européen (TRAN) s'est prononcé pour le maintien des conditions actuelles d'indemnisations. Cette décision doit servir de cadre aux parlementaires européens dans leurs discussions avec le Conseil et la Commission européenne. Le Comité entend même porter à 300 euros le dédommagement pour un retard supérieur à 3 heures pour les vols de moins de 1.500 kilomètres.

"Les droits des passagers aériens européens constituent la pierre angulaire du voyage moderne. Ce vote démontre combien il est essentiel de les protéger", explique Tomasz Pawliszyn, président de l’APRA (Association for the Protection of Air Passenger Right) et PDG d’AirHelp. "Des centaines de millions de voyageurs dépendent du Règlement CE 261 pour bénéficier de transparence et de protection. Nous appelons donc les législateurs européens à préserver et renforcer ces droits lors de la prochaine phase des négociations."

Pour se justifier, les compagnies aériennes mettent en avant une charge financière excessive, évaluée à 8,1 milliards d'euros par an par la Commission européenne. Pourtant, selon plusieurs études, moins de la moitié des passagers font jouer ces droits lors de retards ou d'annulations.

Les compagnies font tout pour ne pas indemniser

D'autant plus que les compagnies font tout pour ne pas indemniser leurs clients lésés. Selon les chiffres d'AirHelp, un site spécialisé dans le dédommagement des passagers, 52% des demandes éligibles ont été rejetées dans un premier temps sans raison valable.

Les compagnies jouent d'abord la montre pour décourager leurs clients lésés. 26% des demandes n'ont ainsi reçu aucune réponse. Dans 21% des cas, elles refusent une indemnisation pour de prétendues conditions météorologiques défavorables sans en apporter la preuve. Dans 13% des cas, elles mettent en avant des documents non valides ou attribuent le retard au contrôle aérien (9%).

Parfois, il n'y a même pas d'explication motivant un refus (8%) et dans 3% des dossiers, elles contestent la durée réelle du retard. Encore plus malhonnête, 2% d'entre elles justifient leur refus par leurs conditions générales de vente alors que le droit européen prévaut dans tous les cas. Face à cette stratégie d'usure, beaucoup renoncent.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business