Rooftop, chambres privatives, design... Comment les auberges de jeunesse sont devenues des lieux ultra-modernes en quelques années

C'est un lifting en bonne et due forme. Depuis plusieurs années, les auberges de jeunesse sont en pleine réinvention. Bar en rooftop, piscine, soirée avec DJ... Chez Jost à Bordeaux, on est loin de l'image poussiéreuse et spartiate. “Aujourd'hui, on pense espaces privatifs, cocooning, literie de qualité, lumière, sécurisation des affaires personnelles, connexion internet...”, égraine la directrice de l'établissement, Audrey Cecille. Et le succès est au rendez-vous. L'auberge a enregistré une hausse de 20% des réservations cet été par rapport à l'an dernier et le taux de remplissage est de 80%.
"Depuis 2019, on a une explosion du nombre d'auberges, notamment détenues par des grands groupes privés", explique Isabelle Frochot, maître de conférence à l'université Bourgogne Europe spécialisée dans le marketing du tourisme. "Les investisseurs ont identifié un gros gap d’offre d'hébergements bon marché pour une clientèle jeune." Pour les vacanciers qui ne peuvent pas se payer l'hôtel et face à l'augmentation des tarifs des plateformes comme Airbnb, ces grands groupes ont su reconnaître un segment de marché inexploité.
"Ce n'est pas pour rien que plusieurs auberges ouvrent dans les centres-villes ou dans des régions chères comme le Pays basque ou alors dans les stations à la montagne", poursuit la chercheuse.
Une hybridation des espaces et des usages
Ces nouveaux acteurs ont développé ces dernières années des établissements de grande capacité, avec 200, 300 lits (voir 900 lits pour l'auberge Generator à Paris). Ils préfèrent d'ailleurs le terme d'"hostels" plus moderne et qui s'adresse à tous (pas uniquement aux jeunes). "Ils misent beaucoup sur l'image, avec des lieux rénovés, des couleurs vives, certains groupes ont fait appel à des designers de renom", développe Isabelle Frochot. Mais ce n'est pas qu'une question de travaux puisque l'offre est aussi totalement repensée.
De nombreuses auberges proposent désormais, en plus des traditionnels dortoirs, des chambres pour 2, 3 ou 4 personnes, ce qui permet aussi d'accueillir des familles. Certains établissements ont même développé des "lits-capsules" à la japonaise. De nombreux services sont également proposés comme la location de vélo, un bar, l'organisation de soirées...
Et les vacanciers ne sont plus les seules cibles. Certains hostels tentent aussi d'attirer la population locale, pour boire un verre par exemple. D'autres proposent à des entreprises de louer des salles pour des réunions ou des séminaires.
"Tous les concepts se sont hybridés pour devenir plus flexibles et offrir plus d'options et d'usages", résume Isabelle Frochot.
"Poshotels" ou auberges traditionnelles
Cette modernisation s'est néanmoins accompagnée d'une hausse des prix, par rapport aux auberges associatives traditionnelles, selon la spécialiste. Même si les grands groupes réussissent à maîtriser les tarifs grâce à leur grande capacité.
"En Angleterre, on parle du concept de 'poshotels', contraction de 'posh' (chic) et de 'hostels'", raconte-t-elle.
Ce mouvement de modernisation a emmené avec lui les auberges traditionelles qui, elles aussi, se sont adaptées. "L'arrivée de nouveaux acteurs est toujours enrichissante, il y a de la place pour tout le monde car il y a de la demande", explique Virginie Fonseca, responsable communication et relation clients de la Fédération unie des auberges de jeunesse, qui représente de nombreuses auberges associatives.
"On s’adapte par rapport à la demande des clients, on propose maintenant une offre plus hybride avec des chambres doubles et des salles de bain privatives, ce n'était pas le cas il y a quelques années", témoigne-t-elle. Depuis 2022, 27 nouvelles auberges ont rejoint ce réseau, qui tient toutefois à continuer à pratiquer des tarifs accessibles.
Slowtourisme et citybreaks
Enfin, les auberges de jeunesse bénéficient de l'essor du "slowtourisme" avec, par exemple, des voyages en itinérance, à vélo ou en randonnée. "Pour ces vacanciers, l'itinéraire n'est pas fixé et peut évoluer en fonction de la météo, de la casse de matériel... et l'intérêt des auberges, c'est qu'il reste souvent de la place", souligne Isabelle Frochot. Par ailleurs, pour les voyageurs solo, les auberges de jeunesse restent des lieux de convivialité. Mais selon la chercheuse, les auberges surfent surtout sur l'essor du tourisme chez les jeunes.
"Les nouvelles générations voyagent beaucoup plus que les anciennes et les auberges attirent désormais une clientèle plus urbaine", explique-t-elle.
Elle cite notamment l'éclosion des "citybreak", ces voyages de quelques jours dans une grande ville européenne rendus possible par le développement des vols à bas coût.