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Patrick Drahi fait des concessions pour garder le contrôle de SFR

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Le milliardaire est proche d’un accord avec ses créanciers pour restructurer la dette de l’opérateur télécom. Il leur propose 31% du capital et de nouveaux emprunts aux taux d’intérêt élevés.

Patrick Drahi et les créanciers de SFR entrent dans la dernière étape de leurs négociations. Selon plusieurs sources proches du dossier, ils sont proches d’un accord et finalisent les grandes lignes de la restructuration financière de l’opérateur télécom.

"Il n’y a plus d’obstacles, rassure une grande banque de SFR. Ils signeront un accord dans quelques semaines."

Patrick Drahi souhaite ensuite ouvrir une procédure de conciliation, puis une sauvegarde accélérée au début du printemps. Son objectif est de faire valider la restructuration par le tribunal de commerce d’ici l’été.

Les principaux prêteurs acceptent déjà d’effacer environ un tiers de leurs 20 milliards d’euros de dettes. En échange, Patrick Drahi leur versera 2,6 milliards d’euros en cash issu des ventes des datacenters de SFR et de son pôle média (BFM et RMC).

Soucieux de ne pas être pris par le temps, le propriétaire de SFR a soumis il y a trois semaines une offre à ses créanciers dans laquelle il a fait d’importantes concessions. Leurs nouveaux prêts représenteront autour de 14,2 milliards d’euros, même si le chiffre précis n’est pas encore arrêté. "On n’est pas loin", promet une source proche du dossier.

Les abonnés partent et les marges baissent

C’est en tout cas 500 millions d’euros de plus qu’espéré par Patrick Drahi. Le propriétaire de SFR est coincé. D’un côté, l’opérateur ne peut pas supporter davantage de dette alors que ses marges ont chuté de 10% au troisième trimestre. En un an, il a perdu 290.000 abonnés pour ses box et 1,2 million de clients mobile. Le quatrième trimestre 2024 n’a pas été bon pour SFR, selon un proche de l’opérateur. Une tendance confirmée par les bons résultats d’Orange qui continue de lui chiper des abonnés.

De l’autre côté, Patrick Drahi veut rester propriétaire de l’opérateur qu’il détient depuis 2014. Il s’est entendu avec les créanciers pour leur offrir 31% du capital, selon plusieurs sources. Bien plus que les 25% qu’il visait encore en fin d'année dernière. Mais un moindre mal alors que ses prêteurs voulaient lui arracher le contrôle au début des négociations l’été dernier.

SFR paie pour son propriétaire

Pour compenser l’effacement de leur dette, Patrick Drahi préfère appliquer des taux d’intérêts élevés aux nouveaux prêts de ses créanciers. Là où il espérait leur emprunter 14,2 milliards d’euros à 6,5%, les négociations ont dérapé autour de 7,2%. Cet écart va coûter 100 millions d’euros par an dans les comptes de SFR, qui va assumer ces lourds efforts financiers à la place de son actionnaire.

En parallèle, le milliardaire a engagé il y a deux semaines des discussions avec la dernière catégorie de créanciers. Ils comptent 4 milliards d'euros de dettes qui ne sont pas garanties sur SFR et leur donnent donc peu de pouvoir dans leur rapport de force. Lui souhaiteraient en écraser l’essentiel pour les ramener en dessous d’un milliard d’euros. En échange, ces créanciers pourraient obtenir quelques pourcents de l’opérateur.

"Ils ont peu de marges de manœuvre, reconnait une source proche de ces créanciers. Mais certains ayant aussi des prêts garantis, ils pourraient hériter de 5% du capital ou plus à terme, en cas de redressement de SFR."

C’est le pari osé de Patrick Drahi. Il fait miroiter une augmentation des marges alors que les lourds investissements dans la fibre ont commencé à baisser en France. Des marges de manœuvre financières qui seront inévitablement rognées par le coût de la dette de SFR qui s’élèvera à un milliard d’euros par an.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business