Octobre Rose: comment accompagner les salariées atteintes d'un cancer du sein

Annoncer un cancer du sein à son employeur peut s’avérer être une tâche délicate. Il y a la crainte d’être "placardisé", la peur des rumeurs à son sujet, ou encore les doutes quant au maintien de ses capacités au travail. Pour la salariée concernée, c’est la double peine, notamment en phase de diagnostic lorsqu’il faut jongler entre les rendez-vous professionnels et médicaux.
Pourtant l’avocate spécialisée en droit social, Pauline Tannai, est catégorique: le rendez-vous médical suffit pour justifier les absences, il est inutile de se sentir obligée de préciser ses problèmes de santé à son employeur. Et lorsque le diagnostic est posé? Il n’y a pas de règle particulière pour l'annoncer à son manager. Sur le plateau de BFM Business Avec Vous, la juriste est formelle:
"La salariée doit seulement dire qu’elle est malade, mais inutile de rentrer dans les détails."
Benoit Serre, vice-président délégué de l’association nationale des DRH, estime qu’il est important de communiquer avec son employeur. Pour autant il ne faut pas oublier que le "malade reste propriétaire de sa maladie". Selon le professionnel des ressources humaines, c’est dans ce genre de situation que le "lien managérial" prend toute son importance, car il faut s’assurer "que la personne concernée se sent libre de dire ou de ne pas dire ce qui lui arrive".
Accompagner les salariées pendant la maladie
Pour Benoit Serre, l’entreprise doit jouer un rôle dans l’accompagnement de ses salariées malades et peut, lorsque l’activité le permet, proposer des aménagements de poste. La communication est la clé, assure l’avocate Pauline Tannai, et lorsque c’est compliquée, "l’intervention du médecin du travail peut permettre d’obtenir des aménagements de postes thérapeutiques". Résultat: la salariée peut poursuivre son travail et l’employeur, gérer au mieux son activité.
Virgilia Hess, journaliste météo à BFMTV, a été diagnostiquée d’un cancer du sein à l’âge de 32 ans alors qu’elle était enceinte. "Ce que je pourrais conseiller, c’est de déléguer l’annonce de sa maladie au maximum", affirme la journaliste. Dans son cas, un collègue a fait part de son problème de santé à sa direction, lui laissant alors le temps pour digérer l’information de son côté.
"Apprendre son cancer, c'est comme un véritable coup de massue qu'on se prend sur la tête."
Virgilia Hess a ensuite écrit par mail à sa direction: "je préférais dire que ça allait être long, pour ne pas être embêtée pour des histoires de planning. Ce fut assez utile, car mon absence a duré un an".
Travailler la nuit, un facteur aggravant
Le travail de nuit a été reconnu comme un risque supplémentaire de développer un cancer du sein. Une étude de l’Inserm met en évidence un danger accru de 30% pour les femmes qui travaillent en horaires décalés. Mais démontrer un lien direct entre les heures de nuit et la maladie n’est pas simple. Jean-Luc Rue, chargé de mission santé au travail de la CFDT Grand Est, explique qu'il s'agit d'un très long combat. Le syndicaliste indique, que pour les salariés, il y a beaucoup de paperasse et les délais pour la reconnaissance en maladie professionnelle, sont assez longs.
Le plus difficile est de "prouver le lien direct entre travail et maladie et c’est au travailleur d’apporter les éléments de preuve", selon Jean-Luc Rue.
Virgilia Hess a travaillé en horaires décalés pendant cinq ans, "c’était réveil à 1h du matin tous les jours", mais son cancer du sein n’a pas été reconnu comme maladie professionnelle. Pourtant son oncologue a émis des doutes: "un cancer aussi jeune, à 32 ans, sans antécédents familiaux, pose question".
Alors, peut-on refuser des horaires de nuit pour limiter les risques pour sa santé? Selon l’avocate Pauline Tannai, il y a deux situations bien distinctes. Si la salariée ne fait pas au préalable d’horaires de nuit, alors elle peut les refuser, car dans ce cas "c’est une modification du contrat de travail". En revanche, si la salariée travaillait déjà la nuit, "c’est plus compliqué de refuser, car les horaires décalés sont bel et bien contractualisés".
L’intervention du médecin du travail est capitale avant un refus, car il peut "prononcer des réserves" sur le maintien des horaires décalés. Des préconisations médicales, que l’employeur est alors obligé de prendre en compte.
Et pour le retour au travail?
"Pour mon retour à BFM, le médecin du travail a pris le relais. Mon organisation m’a créé un poste en journée, qui n’existait pas", témoigne la journaliste météo. Virgilia Hess a obtenu un mi-temps thérapeutique:
"Je n'avais pas terminé mon traitement, et même lorsque la chimiothérapie est finie, il reste l’hormonothérapie qui dure plusieurs années."
Ce qui l’a marquée, c’est bien l’appréhension avant de revenir travailler: la peur de ne pas être assez performante, de ne pas avoir la même énergie. Anabelle Brouhrant, la cofondatrice de l’association Hope, qui accompagne les femmes atteintes de cancer est formelle: lorsqu’on tombe malade, on reste chez soi et on s’isole rapidement.
"Beaucoup de femmes ont besoin d’être accompagnées à leur retour au travail, après la solitude de la maladie, elles ont besoin de reprendre confiance en elles."
Virgilia Hess a été blessée, lors de son retour en entreprise, lorsqu'elle s'est entendue dire: "le plus dur est passé, c’est bon c’est derrière toi". Évidemment, précise Anabelle Brouhrant, on ne sait jamais quoi dire a une collègue qui revient, "sauf essayer de rester le plus naturel possible".
Dialoguer avec son employeur
"On trouve toujours des solutions", rassure le spécialiste des ressources humaines Benoit Serre. Que ce soit pour les aménagements de travail ou annoncer le retour au sein de l'entreprise, "c’est notre rôle d’accompagner au mieux la salariée qui revient". D’autant qu’une loi de 2021 permet le maintien de rendez-vous entre le salarié et son employeur. Appelés "rendez-vous de liaisons", ils peuvent être sollicités à la fois par le salarié en arrêt ou proposés par le manager.
Le cancer du sein reste la première cause de décès chez les femmes, tous les ans, mais c’est une maladie qui touche également les hommes. Pourtant un Français sur trois ne se sent pas concerné par la maladie, selon un sondage Ifop pour Florajet. Un chiffre alarmant qui montre l’importance de la campagne de sensibilisation au dépistage à l'occasion d'Octobre Rose. Car détecté tôt, le cancer du sein guérit dans neuf cas sur dix.