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"Netflix, ce n'est pas la fusion entre NBC et CBS": Benoît Cœuré défend sa politique de la concurrence

Selon Benoît Cœuré, son président, l'Autorité de la concurrence aurait permis de faire gagner 20 milliards d'euros à l'économie française depuis sa création.

Selon Benoît Cœuré, son président, l'Autorité de la concurrence aurait permis de faire gagner 20 milliards d'euros à l'économie française depuis sa création. - AFP

Sur BFM Business, le président de l'Autorité de la concurrence a défendu le bilan de l'institution qui fête cette année ces 15 ans et estime qu'une politique de la concurrence n'est pas contraire à une politique industrielle.

Alstom-Siemens, TF1-M6 ou encore avant Legrand-Schneider... Ces trois fusions avortées parmi d'autres sont le fait des autorités de la concurrence européennes ou nationales qui ont bloqué de nombreuses tentatives de rapprochement entre grands groupes industriels.

Des décisions parfois jugées comme trop systématiques et qui nuiraient à l'émergence de grands groupes européens susceptibles de rivaliser avec les mastodontes américains. Une critique que Benoît Cœuré, le président de l'Autorité de la concurrence, balaye d'un revers de main.

"C'est un reproche qu'on nous fait, ce sont souvent les chefs d'entreprises déçus [par les décisions de l'Autorité], relativise-t-il sur BFM Business. Il y a un constat qui fait consensus en Europe c'est qu'il n'y a pas eu assez de politique industrielle dans les nouvelles technologies, les semi-condustreurs, les médicaments... Et certains continuent et disent qu'il faut moins de concurrence. Moi je ne crois pas. Il faut de la concurrence pour que de nouveaux acteurs rentrent."

Alors qu'outre-Atlantique, des géants ont pu émerger ces dernières décennies et prendre des positions dominantes jusque sur les marchés européens, Benoît Cœuré ne pense pas que limiter la concurrence serait de nature à proposer des alternatives européennes.

20 milliards d'euros pour l'économie française

"Si vous regardez Netflix par exemple, on nous a dit, quand on a interdit M6 et TF1 de fusionner, qu'ils auraient pu devenir le "Netflix européen", rappelle-t-il. Mais l'histoire de Netflix ce n'est pas la fusion de NBC et de CBS. Netflix, c'est un gars qui dans son appartement s'est dit que ce serait une bonne idée de distribuer des DVD par correspondance. Il a eu une idée, cette idée a marché et le terreau économique mais pas seulement la concurrence, tout le reste comme la fiscalité ou la politique de l'emploi lui ont permis de développer son entreprise."

Les autorités de la concurrence tant au niveau national qu'européen seraient donc les boucs émissaires de l'incapacité des européens à innover et à proposer un cadre règlementaire et financier susceptible de faire grandir des géants du numérique.

Créée en 2009, l'Autorité de la concurrence fête cette année ses 10 ans et son président se satisfait du travail accompli. 9 milliards d'euros de sanctions ont été prononcées sur la période et surtout l'économie française aurait bénéficié de 20 milliards d'euros de retombées positives.

"C'est une méthodologie qui nous est proposée par l'OCDE et qui regarde les gains non seulement directs pour les consommateurs qui ont pu bénéficier de comportements anti-concurrentiels corrigés, mais aussi indirects pour le fonctionnement de l'économie française, indique Benoît Cœuré. Ça montre qu'il faut aussi de la concurrence si on veut que l'innovation parvienne jusqu'aux PME et aux consommateurs."

C'est dans cette démarche que l'Autorité enquête sur d'éventuels abus de position dominante de l'américain Nvidia qui fournit l'essentiel des puces GPU aux entreprises qui développent des services d'IA générative.

"Le défi pour nous, c'est de faire en sorte que cette technologie ne soit pas contrôlée par une poignée d'acteurs", interpelle Benoît Cœuré.

"Or il y a une floraison de services nouveaux, mais les grands modèles ce sont souvent les mêmes et c'est quelques acteurs qui contrôlent les données, la puissance de calcul et l'informatique en nuage", poursuit-il.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco