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Morning a 10 ans: comment fonctionne le spécialiste français des bureaux partagés?

Morning, rue de Trévise

Morning, rue de Trévise - Benoît Drouet

L'acteur du coworking français investit les beaux espaces de la capitale, persuadé que son modèle bien rodé est la réponse aux nouveaux besoins immobiliers des entreprises.

Chez Morning, l'acteur des espaces à partager made in France, on voit les choses en grand. Et en beau. Rendez-vous est pris chez un de leurs derniers bébés, rue de Trévise, dans le 9e arrondissement de Paris. De majestueux bâtiments blancs tout en colonnades et en fenêtres cintrées encadrent une calme cour intérieure. On y trouve aussi une immense cafétéria, une terrasse, une salle de sport, de yoga et de pilates, et même des bains froids en expérimentation.

"Les bains froids, c'est pour faire plaisir au fondateur", assume en souriant Clément Alteresco, qui a créé Morning en 2014 (ex-Bureau à partager). Le jeune homme s’astreint régulièrement à la technique Wim Hof du bain à 6 degrés, vivifiant pour le corps et l’esprit, à pratiquer "en pleine conscience", et de préférence avec un coach. Ce mercredi 28 août, il fait très chaud dans Paris, on testerait bien cette eau glacée. Mais place à la visite des espaces bureaux, espaces communs et salles de réunions dont certaines ont un petit côté très Versailles.

Une formule bien rodée

Morning fête ses 10 ans cette année et décline une formule bien rodée. Des espaces dans Paris extrêmement bien localisés, "ce qui compte pour un collaborateur au-delà du salaire, c’est l’adresse de son lieu de travail, c'est ce qui créé de la désirabilité", des services à la carte (petites pâtisseries et bon café, salles de réunions haut-de gamme et espaces privatisables), et une application répertoriant évènements et places disponibles.

Et surtout un esprit de communauté. Chez Morning, on est accueilli par un "Morning manager", "un pour 2.000 mètres carrés", qui reçoit les entreprises clientes, gère les tracas opérationnels et prévoit les évènements qui animent la communauté.

Morning Coworking, rue de Trévise
Morning Coworking, rue de Trévise © 2024

Ce supplément d’âme, c’est ce qui séduit les "colocs", ces entreprises qui ont choisi d’y poser leurs bagages, qu’elles soient individuelles (les freelances), TPE-PME ou grosses sociétés cotées.

"On a environ 1.000 entreprises clientes, mais ce qui marche le mieux pour nous ce sont celles dont l’effectif est de 4 à 20 personnes. Bien sûr, ce qui fait notre chiffre, ce sont les grosses sociétés, par exemple L'Oréal."

2024, année de la rationalisation

Morning a multiplié les ouvertures ces dernières années, quasiment uniquement dans Paris intra-muros. Désormais le groupe compte 12.500 postes de travail dans 49 espaces. De nombreux endroits prestigieux, et à quelques rares exceptions près qui souffrent un peu, la société de coworking réussit ses paris d'investissement initiaux.

Mais désormais l’heure est à la rationalisation, à la maîtrise des coûts. "On a beaucoup grandi, investi de nouveaux espaces. Maintenant on prend moins à bail, on cherche à améliorer le modèle. On pose sur la table des ratios. On réfléchit à ce qu’on garde en prestation externe, à ce qu’on pourrait prendre en interne. Par exemple l’entretien des plantes vertes, ça coûte cher, et ce serait quand même plus intéressant de savoir comment les entretenir et les faire grandir", réfléchit à voix haute Clément Alteresco.

Questionné sur le taux d’occupation réel de ses espaces, il botte en touche, expliquant suivre l’occupation d’un point de vue financier (nombre de places louées sur le nombre de places disponibles) mais admet qu’il y aurait là matière à suivi, ne serait-ce que pour coller aux habitudes de ses "colocs", par exemple une moindre fréquentation le vendredi.

Diversification pour résister aux aléas

Concernant la solidité du marché, le dirigeant-fondateur reconnaît que le Covid a été douloureux. "Cette période a été un grand trou d'air, en mars 2020, toutes les boites ont arrêté d’aller au bureau, on a perdu un peu plus de la moitié de notre chiffre d'affaires. C’était assez vertigineux." Mais depuis 2021, les affaires reprennent.

Globalement, on a senti que les gens avaient envie de revenir au bureau, et que notre offre correspondait aux besoins: moins de bureaux, mais mieux."

"Les entreprises ne veulent plus des baux de 3 à 6 ans, et sont en demande de choses plus flexibles", complète le dirigeant-fondateur. Selon lui, les entreprises y trouvent leur compte: des espaces hauts de gamme et la possibilité de croiser des collègues différents. Et ce ne sont pas des postes dans un open space anonyme, mais bien des petits espaces fermés que les entreprises s'approprient. Mais il ne faut pas s'y tromper, louer des positions de travail chez Morning reste onéreux: compter entre 300 euros le poste de travail jusqu’à 1000-1500 euros dans des endroits très recherchés, par exemple au Morning situé hôtel de la Marine, place de la Concorde.

Si l'effondrement du géant WeWork a pu porter atteinte à la crédibilité des acteurs de coworking, Morning adossé à Nexity est épargné. Et pour ne pas subir les aléas du marché, Clément Alteresco a choisi de diversifier l'activité de son entreprise qui compte désormais 350 salariés. En plus de la location d’espaces, elle a désormais développé ses propres verticales de design, d’ébénisterie, d’aménagement intérieur et de suivi de travaux. Elle dispose même de son propre atelier de fabrication à Gallieni. Que ce soit dans le cadre d’un modèle éphémère, où l’investissement initial doit être très vite amorti ou sur du plus long terme. L’entreprise le fait pour ses propres espaces, mais aussi pour compte de tiers. Une façon de ne pas s’ennuyer et de continuer à expérimenter.

Marine Landau