Mode: l'enseigne Don't Call Me Jennyfer demande son placement en redressement judiciaire

L'enseigne de prêt-à-porter féminin Don't Call Me Jennyfer, qui emploie 1112 personnes, a demandé mercredi son placement en redressement judiciaire, rattrapée par l'"augmentation soudaine des coûts cumulée à une inflation galopante" avec des conséquences sur le pouvoir d'achat, selon un communiqué.
Formulée auprès du tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis), cette demande "est une mesure protectrice de l'entreprise qui va nous permettre, durant la période d'observation de six mois, de travailler sur toutes les options possibles pour préserver l'activité de l'entreprise et les emplois", a déclaré à l'AFP son directeur général Emmanuel Locati.
Fondée en 1984, Don't Call Me Jennyfer compte 220 magasins en France et 80 à l'international et son site ainsi que son application attirent 10 millions de visiteurs uniques annuels, selon l'entreprise.
1112 emplois
Interrogée par l'AFP, l'entreprise a déclaré avoir réalisé 301 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022 mais n'a pas souhaité communiquer sur ses pertes.
"Il ne faut pas confondre redressement judiciaire et liquidation" souligne Emmanuel Locati. Ce dernier se dit "confiant", la marque ayant "de nombreux atouts pour rebondir".
"Nous sommes leaders aujourd'hui en France sur les 10-19 ans avec un petit peu plus de 10% de parts de marché", explique-t-il à l'AFP.
Don't Call Me Jennyfer (anciennement Jennyfer jusqu'en mai 2019) "avait déjà initié sa transformation en 2018", en modernisant son parc de magasins et en remodelant son identité, visant clairement les jeunes acheteurs via les réseaux sociaux.
"On a développé des collaborations importantes avec des leaders d'opinion de la génération Z comme Lena Situations, Eva Queen, McFly et Carlito" et la marque s'enorgueillit d'"une communauté très, très forte" avec, par exemple, 1,3 million d'abonnés sur Instagram, chiffre Emmanuel Locati.
La marque avait été reprise en 2018 par un consortium d'investisseurs mené par Sébastien Bismuth (ancien directeur général de Undiz), ce rachat n'ayant pas été réalisé dans le cadre d'un redressement judiciaire ni d'une procédure collective, a indiqué à l'AFP Don't Call Me Jennyfer.
Série noire
Conséquences du Covid-19 et de la fermeture des commerces non essentiels, concurrence de la vente en ligne, inflation, hausse des coûts des matières premières, de l'énergie et des salaires, essor du marché de la seconde main: l'activité du prêt-à-porter et des chausseurs fait face depuis trois ans à une succession de problèmes qui affaiblit le secteur et des entreprises parfois déjà fragiles.
Celles-ci ont par ailleurs du mal à rembourser les prêts garantis par l'Etat (PGE) accordés durant la crise du Covid-19.
Pour l'habillement, la sortie de la pandémie n'a pas signifié un retour à la situation d'avant Covid-19: les ventes sont restées en 2022 près de 10% inférieures à leur niveau de 2019, avait expliqué Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique de l'Institut Français de la Mode (IFM).
La liquidation brutale de Camaïeu en septembre 2022, entraînant le licenciement de 2100 salariés, a secoué le monde de la mode et marqué le début d'une succession de liquidations (comme San Marina) et de redressements judiciaires, gelés par les aides aux entreprises au moment du Covid.
Kookaï, Burton of London, Gap France, André, Kaporal... Ces marques qui ont connu leurs heures de gloire mettent en avant les "difficultés économiques que rencontre le secteur du prêt-à-porter en Europe, que la crise du Covid-19 n'a fait qu'accentuer".
10.000 emplois disparus
D'autres enseignes choisissent de réduire la voilure, taillant dans les effectifs et fermant des magasins, telles Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam-Tam (groupe Fast Retailing) ou Pimkie.
"Depuis le début de l'année c'est 10.000 emplois qui ont disparu", estimait en juin Yann Rivoallan, président de la Fédération du prêt-à-porter féminin, en marge du défilé du géant chinois de la "fast fashion" SheIn, qu'il accuse de "détruire les emplois français."