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Les entreprises prises de court après l’annonce de la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni

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La décision de plusieurs pays de l'UE dont la France de suspendre les flux en provenance du Royaume-Uni affecte les échanges de marchandises des deux côtés de la Manche. Un "coup de massue" pour de nombreuses entreprises.

Un avant-goût du Brexit? Depuis dimanche minuit, les échanges entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sont réduits au strict minimum. En cause, la décision de plusieurs Etats membres dont la France de suspendre pendant 48 heures les flux de personnes et de marchandises (à l’exception du fret non accompagné) en provenance d’outre-Manche après l’apparition d’une nouvelle souche du coronavirus chez nos voisins britanniques.

Ce délai fixé à deux jours doit permettre aux Etats membres de se coordonner pour envisager une reprise des échanges sécurisée, sans doute avec l’obligation de fournir un test PCR négatif pour toute personne souhaitant pénétrer sur le sol européen depuis le Royaume-Uni.

Les transporteurs à l'arrêt

En attendant, les ports britanniques ont annoncé l’interruption des liaisons vers la France. De la même manière, les traversées vers l’Hexagone via le tunnel sous la Manche –emprunté chaque jour par près de 5000 camions dans les deux sens- ont été suspendues. Dans l’aérien, Air France a également indiqué supprimer ses lignes au départ du Royaume-Uni, à l’exception de celles dédiées au fret.

Bien que temporaire, cette rupture brutale a pris de court de nombreuses entreprises, à commencer par les transporteurs dont l’activité se retrouve perturbée.

C’est très compliqué. Nous avons pris la décision hier soir de laisser nos véhicules à quai et de ne pas les envoyer en Grande-Bretagne afin d’éviter que nos conducteurs soient bloqués en retour de distribution et de livraison des marchandises qu’ils auront effectuées", explique David Sagnard, président de la Fédération Nationale du Transport Routier (FNTR) Pas-de-Calais et PDG chez Transports Carpentier.

Si son entreprise n’a pas de salariés au Royaume-Uni actuellement, toutes n’ont pas cette chance. "Certains de nos confrères ont des véhicules de l’autre côté, qui sont bloqués dans des files d’attente interminables. (…) On est un peu pris en otage par une décision certes honorable parce que la France prend une décision pour pouvoir assurer la sécurité des Français mais d’un autre côté, il y a des dommages collatéraux", poursuit David Sagnard, déplorant une "goutte d’eau supplémentaire" qui vient s’ajouter à l’incertitude liée au Brexit.

"C'est un désastre"

Avec cette nouvelle mesure inattendue, la coupe est pleine pour les entreprises. "Il faut que cela cesse", abonde le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie franco- britannique, Thierry Drilhon. Ce dernier confirme que la décision de fermer les frontières avec le Royaume-Uni "génère une situation qui ne doit pas durer, qui ne peut pas durer".

"Il est très important que les flux économiques reprennent le plus rapidement possible", a-t-il réclamé.

Cette situation est d’autant plus difficile à accepter que la période des fêtes est d’habitude marquée par une activité intense à la frontière franco-britannique. "La fermeture des frontières avec le Royaume-Uni risque d’avoir des conséquences économiques dramatiques pour certains secteurs. Par exemple, les poissonniers s’inquiètent que leurs produits soient bloqués alors que les prochains jours constituent une part importante du chiffre d’affaires annuel", rappelle sur Twitter Jean Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

C’est le cas de Loch Fyne Seafarms, entreprise écossaise exportatrice de crustacés: "C’est un désastre. (…) Des camions vivier chargés de centaines de milliers de livres de marchandises se dirigent vers Douvres en ce moment !!!", a-t-elle réagi peu après l’annonce de la fermeture des frontières.

Même constat pour James Withers, directeur général du groupe industriel Scotland Food & Drink, lequel a affirmé auprès de Bloomberg que des centaines de camions remplis de fruits de mer devaient normalement traverser la frontière de l’UE pour se rendre mercredi sur les marchés de gros de Noël en France et en Espagne.

Pénuries de produits frais au Royaume-Uni?

Très dépendant de ses importations, notamment alimentaires, le Royaume-Uni doit-il craindre des pénuries alors que les routiers venus de l’UE rechignent à faire la traversée de peur de rester coincés? A l’approche du Brexit, les magasins britanniques ont fait des stocks qui devraient "éviter des problèmes immédiats", a estimé Andrew Opie, de l’association sectorielle de la distribution British Retail Consortium (BRC).

La chaîne de supermarchés Sainsbury's s'est elle aussi voulue rassurante: "Tous les produits pour le déjeuner traditionnel de Noël sont déjà dans le pays et en large quantité", d'après un communiqué.

Nous nous approvisionnons le plus possible au Royaume-Uni et étudions des modes de transport alternatifs pour des produits venant d'Europe", a ajouté la chaîne.

Sainsbury's a toutefois averti que si la situation se prolonge, des problèmes vont apparaître sur l'approvisionnement en produits périssables comme "la laitue, certaines salades, les choux-fleurs, les brocolis et les agrumes, qui sont tous importés depuis le continent en cette période de l'année".

"Coup de massue"

Directeur général de la Food and Drink Federation, Ian Wright s’est montré un peu plus pessimiste et affirme que la suspension de l'arrivée des cargos accompagnés (à savoir par camion routier) en Europe depuis le Royaume-Uni "a le potentiel de causer des perturbations dans l'approvisionnement en produits frais pour Noël au Royaume-Uni".

"Toute fermeture prolongée de la frontière avec la France créerait un problème", a insisté de son côté Andrew Opie.

Le stockage de produits en prévision du Brexit c'est une chose, la ruée vers les magasins pour Noël c'en est une autre, mais le coup de massue c'est la fermeture de la frontière pour 48 heures. Ça c'est une sérieuse perturbation de la chaîne d'approvisionnement", a conclu de son côté Rod McKenzie, l'un des responsables du lobby des routiers britanniques, la Road Haulage Association, interrogé sur la chaine de télévision Sky News.

Enfin, Richard Ballantyne, directeur général de la British Ports Association a reconnu qu’il "pourrait y avoir une période de perturbation dans certains ports du Royaume-Uni pour les prochaines 48 heures". Mais "nous sommes convaincus que le Royaume-Uni continuera d’être approvisionné", a-t-il tenté de rassurer.

Paul Louis avec AFP