Les commerçants n'en veulent plus, mais les titres-restaurants en papier sont encore très utilisés

Même si la tendance est à la baisse, le ticket-restaurant en version papier fait de la résistance. Selon la Commission nationale des titres-restaurants (CNTR), ils représentent encore 40% des paiements réalisés au global par les 5 millions de salariés qui en profitent en France.
Si les grands groupes ont pris le virage de la dématérialisation (avec l'utilisation de cartes par les salariés), beaucoup d'entreprises, souvent des TPE et des PME, n'ont pas encore passé le cap, souvent par manque de temps ou de ressources.
Souvent annoncée, la numérisation intégrale de ce moyen de paiement est aujourd'hui actée par le gouvernement.
"On va recevoir les organisations professionnelles pour voir ce qui bloque, nous allons accompagner les entreprises pour qu'avant 2026 tout puisse être dématérialisé et on accompagnera aussi les salariés", a indiqué lundi sur Franceinfo, Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme.
Parmi les entreprises qui utilisent encore le papier, on trouve donc pas mal de TPE et de PME "qui le font par habitude", nous explique Ilan Ouanounou, directeur général France d’Edenred "mais cela concerne aussi beaucoup le service public" ajoute le responsable.
Étant donné le volume de paiements encore généré par le papier, le défi de la dématérialisation sera difficile. Olivia Grégoire n'a pas détaillé le plan d'action visant les entreprises encore au papier mais les grands opérateurs se disent en ordre de marche pour accélérer le mouvement et même réaliser la bascule totale avant 2026.
"Nous pouvons nous appuyer sur nos forces commerciales pour délivrer les bons arguments. La digitalisation peut se faire en 24 heures", assure le patron d'Edenred France.
"Nous accueillons favorablement le fait qu’une date butoir ait été annoncée. Nous souhaiterions une entrée en vigueur le plus rapidement possible", confirme de son côté Sodexo.
L'objectif sera peut-être plus délicat dans les administrations: "il faut préciser une vraie date butoir car les administrations fonctionnent avec des appels d’offres, il faut de la clarté et de la visibilité", précise Ilan Ouanounou.
Les règles du jeu ont changé
Mais cette transition pourra être aidée par deux facteurs extérieurs. D'abord, une complication supplémentaire sur les tickets-restaurants papiers qui incite les commerçants à les refuser de plus en plus. Ils seraient désormais 20 à 25% à ne pas les accepter.
Il faut dire que les règles du jeu ont changé. Jusque-là, la gestion des titres-restaurants était relativement simple pour les commerçants. Ils les collectaient et les déposaient en un seul lot dans l’un des 8000 points de collecte de la CRT (la Centrale de règlement des titres) qui les triait, les traitait et effectuait le paiement, explique l'UFC-Que Choisir.
Mais depuis février dernier, ce service a fermé, les points de collecte ont disparu et "les commerçants doivent envoyer les titres à leurs frais, par lettre recommandée ou par Chronopost. Cette procédure ajoute une nouvelle contrainte et de nouveaux frais, sans compter le risque de perte ou de retard des courriers", poursuit l''association de défense des consommateurs.
En comparaison, les titres-restaurants dématérialisés impliquent un paiement instantané et ne nécessitent quasiment aucune gestion de la part du restaurateur.
Enquête sur les commissions
Autre facteur plaidant pour une accélération de la dématérialisation: les commissions. Les petits commerçants ont en effet parfois vu le niveau des commissions prélevées sur les titres papier augmenter avec la fermeture de la Centrale de règlement des titres (CRT). Edenred évoque ainsi une différence moyenne d'un point de commission entre les deux supports.
Passer au digital permettrait d'en finir avec cette différence, tout en réduisant "les contraintes des démarches administratives qui pèsent sur les restaurateurs", ajoute Sodexo.
Sur ce point, Olivia Grégoire dit attendre les résultats d'une enquête de l'Autorité de la concurrence qui seront connus "dans les jours qui viennent". Et prévient: "s'il y avait un dysfonctionnement de marché qui était prouvé, je ne prendrai pas de temps pour plafonner les commissions".
Et de poursuivre: "elles sont entre 3 et 5%, j'attends de voir très précisément ce que dit l'Autorité de la concurrence, mais s'il y a dysfonctionnement, nous les plafonnerons plutôt au plancher qu'au plafond".
La question fait néanmoins débat. Edenred évoque ainsi des "commissions très raisonnables" au regard du chiffre d'affaires supplémentaire généré pour les restaurateurs, de l'ordre de 15% selon les opérateurs. Par ailleurs, la dématérialisation va "très naturellement réduire les coûts pour les restaurateurs donc on n'a pas besoin d'encadrer ces commissions", estime Ilan Ouanounou.