L'américain Mara prêt à acheter Exaion, la pépite tech d'EDF, pour 168 millions de dollars

Le logo d'EDF (photo d'illustration) - MIGUEL MEDINA © 2019 AFP
Le probable rachat par le groupe américain Mara d'Exaion, start-up d'EDF, illustre la difficulté de la France à propulser ses pépites sur la scène internationale sans avoir recours à des investisseurs étrangers. Annoncée cet été, la transaction doit recevoir le feu vert du Trésor français, qui devrait se prononcer d'ici début novembre.
Inconnue du grand public, la petite société de 70 ingénieurs hébergée par EDF Pulse Ventures, filiale d'investissement dédiée aux start-up du géant du nucléaire, est spécialisée dans le calcul haute performance, le "cloud" souverain et l'intelligence artificielle.
Un rachat à 168 millions de dollars
EDF a annoncé en août céder 64% d'Exaion à Mara pour 168 millions de dollars. L'accord prévoit la possibilité pour le groupe américain, un géant du minage de bitcoins (production de cryptomonnaie obtenue à partir d'une longue série de calculs), d'aller jusqu'à 75% d'ici 2027, pour environ 127 millions de dollars supplémentaires.
"Dans le cadre de cette transaction, EDF resterait client d'Exaion et conserverait une participation minoritaire, démontrant ainsi sa confiance dans la stratégie et les perspectives de croissance à long terme d'Exaion", précise le fleuron public français.
Mara entend investir 5 milliards d'euros en France et en Europe au cours des cinq prochaines années, indique-t-on de source proche de la société, qui est dirigée par Fred Thiel, un Suédois né en France.
Mara "souhaite s'installer en France et faire de la France sa base de développement international", assure Gérard Mestrallet, ancien patron de GDF Suez, aujourd'hui Engie, et conseiller du groupe américain. Le groupe a notamment choisi la France parce que "c'est un des pays où le système énergétique électrique est le plus sophistiqué, le plus efficace", poursuit-il.
De gigantesques volumes d'électricité nécessaires
En s'appuyant sur son propre savoir-faire et celui d'Exaion, Mara renforce ses positions sur le calcul haute performance, qui requiert de gigantesques volumes d'électricité sans interruption, et le minage de cryptomonnaies, une activité tout aussi vorace en électricité mais capable de flexibilité.
Pour cette dernière, le groupe mise sur l'électricité issue de l'éolien et du solaire pour bénéficier de tarifs attractifs quand le vent et le soleil sont à plein régime, mettant en avant qu'il participerait ainsi à l'équilibre du système électrique français. "Ces datacenters peuvent être de très gros régulateurs du système énergétique", plaide le groupe américain.
Ils peuvent s'effacer lorsque la demande électrique générale est élevée et laisser leur place aux autres consommateurs. Et à l'inverse, fonctionner quand il y a beaucoup de production électrique et peu de consommation, lorsque les prix de l'énergie sont proches de zéro, voire négatifs.
Les gestionnaires du réseau comme RTE pourraient y trouver un intérêt, tout comme EDF, fait-on valoir. Ainsi, l'exploitant de centrales pourrait produire plus d'énergie nucléaire au lieu de faire des ajustements de puissance (modulation) nécessaires à l'équilibre du système électrique, lorsque les énergies renouvelables sont très abondantes.
Les dirigeants de Mara "sont convaincus de la convergence stratégique progressive et inévitable entre le 'computing' (l'informatique, NDLR) et l'énergie", affirme Gérard Mestrallet.
Une pétite tech française vendue à un américain
Dans la classe politique, des voix se sont manifestées pour questionner l'opération, à l'instar de l'ancien ministre de l'Economie, Antoine Armand, qui s'est inquiété de voir brader "les pépites tech souveraines qui grandissent en France".
"Exaion opère des activités qui ne sont pas stratégiques ou souveraines comme EDF ou une entreprise de la défense, mais porte des technologies qui peuvent être extrêmement importantes à l'avenir et pour lesquelles on pourrait avoir un intérêt à garder une part de souveraineté ou une souveraineté complète", a répondu Bercy.
Le ministère français a toutefois demandé à EDF, dont l'Etat est actionnaire à 100%, de "rouvrir" le dossier et "de le réévaluer".
Ce dernier est depuis début septembre entre les mains du Trésor au titre du contrôle des investissements étrangers (IEF). Réponse sous deux mois. Du côté de l'américain, on met en avant le fait qu'Exaion ne gère pas de données "souveraines" et que la société française filiale de Mara sera soumise au droit français.