INFO BFM BUSINESS. Bataille familiale, le fils de Donald Trump qui s'en mêle… Danone renonce à racheter Lifeway Foods, la pépite américaine du kéfir

Dans un document financier publié aux États-Unis jeudi 18 septembre, que BFM Business a pu consulter, Danone entérine sa décision d'abandonner l'opération de rachat de Lifeway Foods, une entreprise familiale basée près de Chicago, dans l'Illinois. Spécialiste du kéfir (une boisson lactée fermentée, légèrement gazeuse) et des probiotiques, elle est valorisée environ 515 millions de dollars. Avec un peu moins de 300 employés, elle affiche une croissance des ventes constante depuis plusieurs années.
Il y a un an, Danone, qui est actionnaire minoritaire de Lifeway Foods depuis 1999, a lancé le processus en vue d'un rachat. Il a déposé deux offres, qui ont été rejetées. Dans le "13D", document financier envoyé à la SEC, le régulateur américain des marchés, publié jeudi, le géant français fait savoir qu'il ne fera pas de troisième offre.
Une source proche du dossier invoque "des différences culturelles", qui compliquent l'intégration de Lifeway Foods dans le portefeuille de marques de Danone, et "un recentrage du groupe français sur les opportunités de croissance existantes".
En ce qui concerne le maintien de Danone au capital de l'entreprise américaine, dont il détient un peu plus de 23%, toutes les options sont sur la table, selon le document financier. Danone ne dit pas s'il souhaite rester actionnaire ou s'il compte vendre tout ou partie de ses actions.
Dans la foulée de cette annonce, l'action de Lifeway Foods s'est effondrée. Cotée sur le Nasdaq, l'entreprise accusait une baisse de son cours de 21% peu après l'ouverture de la bourse américaine, vers 18h heure française.
Le fils de Donald Trump s'en mêle
Il faut dire que depuis un an, le feuilleton du rapprochement a été compliqué, pour ne pas dire épique. En septembre 2024, Danone a d'abord proposé de racheter la société américaine, pour 25 dollars par action. Pas assez pour le conseil d'administration de Lifeway Foods, qui a rejeté l'offre. Deux mois plus tard, fin novembre, le groupe français est revenu à la charge, en proposant 27 euros par action. Prix à nouveau refusé. Les mois suivants, le ton est monté entre les deux entreprises.
Lifeway Foods a notamment accusé Danone d'être "un partenaire commercial toxique" et d'être plus "un prédateur" qu'un "partenaire".
En face, Danone a porté plainte contre le conseil d'administration de Lifeway Foods pour avoir augmenté la rémunération de la PDG, sans son autorisation. Et puis l'affaire a résonné jusque dans l'entourage du président américain. Dans son podcast "Triggered", fin février, son fils aîné Donald Trump Junior a accusé le patron de Danone, Antoine de Saint-Affrique, d'être à la solde… du parti communiste chinois. Une histoire rocambolesque, sur fond de tensions commerciales et aussi de fortes dissensions familiales.
Bataille entre la patronne, son frère et sa mère
Parce que la patronne de Lifeway Foods, Julie Smolyansky, qui a repris les rênes de l'entreprise fondée par son père, est en guerre avec son frère et sa mère. En tant qu'actionnaires, ils ont soutenu l'offre de Danone, quand elle la rejetait en bloc. En novembre, 2024, Edward Smolyansky et sa mère Ludmila ont même exhorté le conseil d'administration de Lifeway Foods à reconsidérer cette offre sans tarder, estimant qu'elle représentait une bonne occasion d'accroître la valeur pour les actionnaires, les employés et les consommateurs. Début juillet, ils ont même lancé une action pour tenter de remplacer la totalité du conseil d'administration et donc destituer Julie Smolyansky.
Cet été, il y a eu une éclaircie pour Danone. Julie Smolyansky a accordé un entretien au média américain Barron's, dans lequel elle n'excluait plus de vendre, à condition d'un bon prix. Début août, on a appris que les deux entreprises avaient repris des discussions, "sur de nouvelles bases" et qu'elles pourraient aboutir d'ici quelques semaines. Une date-butoir avait été fixée mi-septembre.
À cette époque, les dirigeants de Danone laissaient entendre qu'ils pourraient hausser le ton et soutenir le plan d'Edward Smolyansky. Dans le document financier publié ce jeudi, la direction de Danone confirme bien qu'elle s'interroge sur l'avenir de ses investissements dans Lifeway Foods. Elle n'exclut pas d'appuyer l'opération d'Edward Smolyansky, qui cherche à destituer sa sœur et le conseil d'administration.
Pour le reste, Danone décide donc de jeter l'éponge et de se concentrer sur son plan stratégique. Un plan qui prévoit de continuer à investir aux États-Unis, notamment dans la capacité de production, selon une source proche de la direction. Lifeway Foods va continuer sa route de son côté, avec ses dissensions familiales et sa croissance insolente: pour le deuxième trimestre, elle a publié des ventes record de près de 54 millions de dollars, en hausse de 18%. Et prévoyait alors une croissance de plus 20% pour le troisième trimestre.