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TOUT COMPRENDRE. Pourquoi Decathlon est accusé de bénéficier du travail forcé de Ouïghours en Chine

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L'entreprise est accusée par le média Disclose et l'émission de France 2 Cash Investigation d'avoir pour sous-traitant en Chine une entreprise liée au travail des Ouïghours. Decathlon se défend et assure que "100% du coton utilisé dans la fabrication de ses produits provient de sources engagées dans des pratiques plus responsables, garantissant l'absence de toute forme de travail forcé".

L'image de Decathlon va-t-elle en prendre un coup? L'entreprise se classe depuis plusieurs années dans le top 3 des enseignes préférées des Français. Elle s'est donné pour objectif de rendre le sport accessible à tous, notamment en pratiquant une maîtrise de ses coûts de production. Mais à quel prix?

La société, qui appartient au groupe Mulliez, est accusée dans une enquête journalistique réalisée par Cash Investigation et Disclose de s'approvisionner en textiles auprès d'un sous-traitant chinois lié au travail des Ouïghours. Des accusations démenties par Decathlon. BFM Business fait le point.

• Qu'est-ce qui est reproché à Decathlon?

Les journalistes du magazine Cash investigation et du média d'investigation Disclose se sont intéressés à la chaîne d'approvisionnement de Decathlon. Et notamment à l'un de ses sous-traitants, Qingdao Jifa.

Ils se sont rendus dans une de ses usines. Dans l'émission diffusée le 6 février sur France 2, une cadre de l'entreprise chinoise leur montre les tissus utilisés pour fabriquer les textiles pour Decathlon. Mais d'où vient la matière première, le coton? Cette cadre répond qu'"il peut venir du Xinjiang". Une région chinoise où le gouvernement est soupçonné d'organiser le travail forcé dans les champs de coton de centaines de milliers de Ouïghours.

Si Decathlon fait produire ses vêtements dans cette usine, la responsable de Qingdao Jifa, recontactée ultérieurement par Cash Investigation, assure également que l'entreprise "est entièrement responsable du choix de ses cotons (…). Nous ne sommes qu’une usine de production, nous assemblons les produits".

• Y a-t-il du travail forcé dans le Xinjiang?

Le Xinjiang est une immense région chinoise, habitée majoritairement par les Ouïghours. En 2019, les Xinjiang Papers publiés par le New York Times ont documenté la répression de ce peuple par le régime chinois et l'existence de "camps de d'internement".

Pékin est également soupçonné d'organiser le travail forcé de milliers de Ouïghours dans les champs de coton de cette province. En 2020, une enquête réalisée par le chercheur allemand Adrian Zenz pour la fondation américaine Victims of Communism, dénonçait une forme d'esclavage moderne.

"Au moins un ­demi-million d’habitants du Xin­jiang issus des minorités ethniques (…) envoyés dans les champs de coton pour y travailler de force", peut-on lire dans son rapport révélé par le journal Libération, la BBC et la Süddeutsche Zeitung.

Interrogé par Cash investigation, le docteur Adrian Zenz, assure que "plus de 90% du coton chinois vient du Xinjiang". "Les Ouïghours sont utilisés pour récolter le coton, des centaines de milliers de Ouïghours au travers des programmes de déplacement de population", explique-t-il.

Ainsi, s'il apparaît impossible d'affirmer que 100% du coton produit dans le Xinjiang est lié au travail forcé, pour Adrian Zenz, "les risques sont tels que n’importe qui lié à ce coton tomberait sous le coup de la loi aux États-Unis". En effet, en 2021, les élus américains ont décidé d'interdire l'importation de produits provenant du Xinjiang (sauf si l'entreprise est en mesure de prouver que leur production n'intègre pas de travail forcé).

"Chaque personne qui porte un vêtement ou un accessoire qui comprend, à un moment ou à un ­autre de la chaîne de production, une fibre de coton produite en Chine, doit envisager la forte probabilité d’être bénéficiaire du travail forcé de Ouïgours", conclut le rapport.

• Que répond Decathlon face à ces accusations?

Interrogé par Cash Investigation sur le coton qui serait originaire du Xinjiang, Decathlon a répondu par écrit. "Nous poursuivons également nos efforts en vue d’une traçabilité complète de notre chaîne d’approvisionnement", a déclaré l'entreprise.

Dans un communiqué publié mercredi, l'entreprise affirme que "100% du coton utilisé dans la fabrication de ses produits provient de sources engagées dans des pratiques plus responsables, garantissant l'absence de toute forme de travail forcé, et incluant du coton biologique et recyclé".

"Nous condamnons avec fermeté toute forme de travail forcé", écrit l'entreprise.

"Nous n'hésiterons pas à réagir et prendre toutes les mesures nécessaires si les faits étaient avérés", ajoute-t-elle.
Marine Cardot