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Semiconducteurs: pourquoi le rachat d'Arm par Nvdia risque de capoter

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Alors que le gouvernement britannique invoquerait pour bloquer cette opération des craintes sur la sécurité nationale, Bruxelles serait sur le point de lancer une enquête approfondie.

Alors que l'Europe se cherche une souveraineté industrielle en matière de semiconducteurs, le rachat du britannique Arm par l'américain Nvdia passe de plus en plus mal. Et pourrait même capoter.

L'opération à 46 milliards d'euros avait été annoncée en septembre 2020 par le japonais SoftBank, maison mère d'Arm, qui s'était mise d'accord avec Nvidia, champion des cartes graphiques afin de créer un géant des puces pour ordinateurs et smartphones.

Selon Reuters, la Commission européenne s'apprête à lancer une enquête approfondie malgré les concessions apportées par Nvidia pour se plier aux règles de la concurrence. Des efforts qui seraient jugés insuffisants.

Rôle vital

La Commission européenne devrait conclure son examen préliminaire le 27 octobre prochain, qui serait suivi d'une enquête de quatre mois, ont précisé les sources. Un porte-parole de l'exécutif européen a refusé de faire un commentaire.

En août dernier, ce sont les autorités britanniques qui menaçaient de bloquer cette opération en raison de craintes sur la sécurité nationale. Ces craintes inciteraient le gouvernement à envisager un rejet de l'opération, selon une source au courant des discussions, citée par Bloomberg.

Le gouvernement britannique avait déjà prévenu avoir conscience du "rôle vital d'Arm dans le secteur de la technologie" et l'économie au Royaume-Uni.

Il avait dit veiller notamment à l'avenir du siège social de Cambridge, alors qu'Arm compte 3000 salariés au Royaume-Uni sur 6.500 dans le monde.

L'empreinte d'Arm est en effet colossale. Fondé en 1990 en Angleterre, "Acorn RISC Machine" pour Arm ne fabrique pas de puces en tant que telles mais des "architectures" sur lesquelles reposent et fonctionnent les processeurs qui font tourner 90% des smartphones de la planète, 80% des appareils photos numériques et 35% de tous les appareils électroniques (à l'exception des ordinateurs qui utilisent une architecture différente développée par Intel).

Un modèle ouvert remis en cause?

Tous les fondeurs de la planète utilisent ces architectures qui, avec le temps, sont devenues incontournables.

Son modèle économique est celui des licences: un fabricant de processeurs (Qualcomm, Samsung, Huawei...) doit alors payer de très juteuses royalties à Arm afin de pouvoir utiliser ses technologies.

Nvidia de son côté est le leader mondial des cartes graphiques pour ordinateurs. Il deviendrait via cette opération, le leader mondial des architectures pour appareils mobiles.

La vente à Nvidia fait donc sourciller de grands acteurs mondiaux des semi-conducteurs. Certains se demandent si l'approche ouverte d'Arm sera maintenue dans un contexte de tensions entre les Etats-Unis et la Chine.

Dernière entreprise technologique européenne de dimension mondiale

Arm a en outre accordé des licences sur sa technologie à Intel, Qualcomm et Samsung Electronics qui sont des concurrents de Nvidia. Comment pourraient évoluer ces relations commerciales après le rachat?

"Nous allons maintenir la neutralité" de Arm vis-à-vis de ses clients ainsi que son modèle de licence ouverte, avait promis le patron de Nvidia, Jensen Huang, dans une lettre à ses employés publiée sur le site du groupe.

"L'opération contribuera à transformer Arm et à stimuler la concurrence et l'innovation, notamment au Royaume-Uni", répète ce mardi Nvidia.

Au-delà de ces considérations concurrentielles , ce rachat serait un coup dur pour l'Europe des puces qui cherche à renaître de ses cendres. Hermann Hauser, le fondateur d'Arm évoque ainsi un "désastre absolu pour Cambridge, le Royaume-Uni et l'Europe". "C'est la dernière entreprise technologique européenne de dimension mondiale et elle est vendue aux Américains", s'est-il insurgé.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business