BFM Business
Industries

Pourquoi Renault s'est enfoncé dans la crise

a31/73456ffae81472d78c79f458802eb

a31/73456ffae81472d78c79f458802eb - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Le constructeur français a annoncé une perte nette de 141 millions d’euros ce vendredi, une première depuis 2009. Renault ne prévoit pas d’améliorations en 2020 et annonce un plan de réduction des coûts de 2 milliards d’euros sur trois ans.

La nouvelle était attendue, mais les chiffres sont sévères. Renault ne va pas bien. Ce vendredi, le groupe français a annoncé une perte nette de 141 millions d’euros, une première depuis 2009 et la crise qui touchait alors le secteur. Plus inquiétant, Renault anticipe déjà une nouvelle baisse de sa rentabilité cette année.

"La visibilité pour 2020 reste limitée par la volatilité attendue des marchés, notamment en Europe en raison de la réglementation CAFE et par les possibles impacts du Coronavirus", explique Jean-Dominique Senard dans un communiqué.
"Nous avons une faible visibilité sur la demande", a ajouté Clotilde Delbos qui assure actuellement l’intérim à la tête du groupe automobile avant l’arrivée de Luca de Meo le 1er juillet.

Alors que la marge opérationnelle est de 4,8% en 2019, elle ne devrait pas dépasser les 4% en 2020, rapporte l’AFP. En 2018, le Groupe Renault affichait une marge opérationnelle de 6,3%. Si les dirigeants de Renault ont voulu rassurer sur les liquidités disponibles, ces résultats soulignent une crise profonde du groupe au Losange depuis ces dix-huit derniers mois avec plusieurs éléments d'explication:

> L'arrestation de Carlos Ghosn

Cette arrestation a clairement déstabilisé l’entreprise, exacerbant et mettant en lumière les tensions entre les directions de Renault et de Nissan, menant aux départs d’Hiroto Saikawa, alors PDG de Nissan et de Thierry Bolloré, DG de Renault.

Ces incertitudes ont pesé sur les équipes et le travail en commun de l’Alliance semble avoir été comme interrompu pendant plusieurs mois. Le plan stratégique à moyen terme lancé par Carlos Ghosn a été suspendu, ce qui a entraîné une charge fiscale amputant le bénéfice net de 753 millions.

Ces turbulences sont par ailleurs survenues alors que Renault renouvelait trois de ses principaux modèles: la Clio, le Captur et la Zoé. Ce qui demande de lourds investissements.

> Les difficultés financières de Nissan

Le départ de Carlos Ghosn est intervenu dans un contexte de difficultés stratégiques chez Nissan. En 2018, près de la moitié des 3,3 milliards d’euros de bénéfices de Renault venait de son partenaire japonais (Renault possède près de 42% de Nissan).

En 2019, 242 millions d’euros seulement viendront contribuer au bénéfice net de Renault selon l’AFP. Une situation qui ne devrait pas s’améliorer en 2020. Sur les neuf mois de son exercice 2019, Nissan n’affiche plus que 0,7% de marge. Au-delà des difficultés financières, Renault a aussi moins produit pour ses partenaires Daimler et Nissan. La baisse des ventes de moteurs diesel qui équipent notamment les Mercedes a impacté les résultats financiers du groupe.

> Un repli sur les principaux marchés

Ces difficultés de gouvernance interviennent dans un marché automobile mondial sous tension. Les ventes du groupe ont reculé l’an dernier de 3,4%, et celles de la seule marque Renault de plus de 6%. C’est en fait Dacia qui a sauvé la mise de Renault l’an dernier.

Une situation qui semble illustrer la stratégie menée depuis plusieurs années. Comme le soulignait La Tribune le 24 janvier, les ventes de la marque Renault ont peu augmenté entre 2008 et 2018: 100.000 unités de plus. La progression au niveau du Groupe est bien plus marquante, avec un million d'unités supplémentaires, soit les retombées du succès de Dacia.

> Des modèles qui ne rapportent pas assez

Clotilde Delbos le rappelait ce matin lors de la conférence de presse: 35% des ventes en Europe de la marque Renault reposent sur les Clio et Captur. Si toute la gamme a été renouvelée avec succès cette décennie, les ventes et donc ses revenus ne reposent que sur peu de modèles.

Le haut de gamme (Espace, Talisman) ne se vend pas, les ventes du Kadjar sont loin derrière celles du Peugeot 3008, précisait La Tribune en janvier. Et surtout les modèles qui se vendent ne rapportent pas assez, la nouvelle direction de Renault l’a bien identifié.

"Nous continuerons d’améliorer notre positionnement prix", a affirmé Clotilde Delbos. La nouvelle Clio offre par exemple de nombreux équipements de connectivité comme de sécurité active qui doivent permettre de vendre plus cher la petite compacte.

> Des "fermetures d'usine" pour sortir de la crise?

Pour sortir de la crise, Renault entend prendre des mesures drastiques. Clotilde Delbos l’a rappelé: face à cette situation, "il n’y aucun tabou sur les fermetures d’usine", et notamment en France. En attendant l’arrivée de Luca de Meo début juillet, un programme de réduction de coûts de 2 milliards d’euros sera détaillé en mai. Cela correspond à une réduction de 20% des coûts fixes du Groupe. La directrice générale compte également sur un redémarrage de l’Alliance en 2020

Pauline Ducamp