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Pfizer, BioNTech et Moderna approchent les 1000 dollars de bénéfices par seconde avec leurs vaccins

Des flacons des vaccins Pfizer, Moderna et AstraZeneca contre le Covid-19 en avril 2021

Des flacons des vaccins Pfizer, Moderna et AstraZeneca contre le Covid-19 en avril 2021 - Christof STACHE © 2019 AFP

Les trois groupes pharmaceutiques réaliseront cette année des bénéfices avant impôts de 34 milliards de dollars, soit 65.000 dollars par minute, évalue l'ONG People's Vaccine Alliance, qui milite pour l'accès des pays pauvres au vaccin.

Chaque seconde, Pfizer, BioNTech et Moderna engrangent un profit cumulé de plus de 1000 dollars, grâce à leurs vaccins contre le Covid-19. Ce chiffre est l'estimation d'une étude de la People's Vaccine Alliance. Cette ONG compte parmi ses 80 membres Oxfam et Onusida. Elle milite pour une meilleure répartition des vaccins à travers le monde.

Ces groupes pharmaceutiques ont amassé cet argent en vendant l'immense majorité de leurs doses à des pays riches, aux dépens des nations moins développées où le taux de vaccination reste très faible, déplore l'association.

D'après ses calculs, basés sur les prévisions de résultats des entreprises concernées, le trio réalisera des bénéfices avant impôts de 34 milliards de dollars cette année, soit plus de mille dollars par seconde, 65.000 dollars par minute ou 93,5 millions de dollars par jour.

50% des revenus de Pfizer

Pour vérifier ce calcul, BFM Business s'est penché sur les derniers résultats disponibles publiés par ces groupes, en se concentrant par ailleurs sur le résultat net plutôt que les bénéfices avant impôts (moins représentatifs financièrement).

Sur les neuf premiers mois de l'année, Pfizer enregistre par exemple un chiffre d'affaires de 57,6 milliards de dollars selon ses derniers résultats trimestriels. Sur ce montant, 28,7 milliards de dollars sont générés par le biais de son vaccin (soit environ 50% du total). Le reste des revenus du groupe provient de l'oncologie (16% des revenus), l'activité médecine interne notamment pour les maladies cardiovasculaires (12%), la branche hôpital (12%), l'activité "inflammation et immunologie" (5,5%) ou encore les maladies rares (4,5%). De janvier à septembre, le résultat net après impôts était de 18,6 milliards de dollars (soit 20,1 milliards de dollars avant impôts).

Lors de son dernier point d'activité, Pfizer indique viser 36 milliards de dollars de revenus générés par son vaccin anti-Covid Comirnaty en 2021, soit 2,3 milliards de doses vendues (pour un chiffre d'affaires global de l'ensemble du groupe visé de 81 à 82 milliards de dollars sur l'ensemble de l'année). Le groupe précisait aussi que les bénéfices liés à son vaccin représenteraient près de 37% de l'ensemble de ses profits cette année. Soit environ 8,7 milliards de dollars de résultat net après impôt sur les 23,5 milliards à 23,8 milliards de dollars de bénéfices nets visés pour l'année 2021.

De son côté, Moderna (qui tire pratiquement tous ses revenus de son vaccin Spikevax) affichait au cours des neuf premiers mois de l'année 11,3 milliards de dollars de revenus pour un résultat net après impôt de 7,33 milliards de dollars (et de 7,87 milliards de dollars avant impôts). Le laboratoire visait un chiffre d'affaires sur l'ensemble de 2021 de 15 à 18 milliards de dollars.

Enfin, lors de la publication de ses derniers résultats, BioNtech (qui tire lui aussi quasiment exclusivement ses revenus de son vaccin) affiche 13,4 milliards de dollars de revenus sur neuf mois pour 7,1 milliards de dollars de résultat net (après impôts donc).

Globalement, Pfizer, Moderna et BioNtech enregistraient donc en cumulé sur neuf mois 82,3 milliards de dollars de revenus pour 33 milliards de résultat net après impôt, dont une très large partie est liée à leurs vaccins anti-Covid. En considérant grossièrement que l'intégralité des bénéfices de Moderna et BioNtech sont liés à leurs vaccins et que 37% des bénéfices de Pfizer sont liés à son vaccin anti-Covid, le résultat net des trois groupés générés par les vaccins avoisine ainsi les 21,3 milliards de dollars de janvier à septembre. Soit 78 millions de dollars de bénéfices par jour, 54.000 dollars par minute ou 903 dollars par seconde.

Faire baisser les prix

Pfizer, BioNTech et Moderna se distinguent d'AstraZeneca et Johnson & Johnson qui vendent pour l'instant leurs vaccins à prix coûtant.

"Il est indécent que quelques entreprises empochent des millions de dollars de bénéfices chaque heure, alors que seulement 2% des personnes dans les pays à faible revenu ont été entièrement vaccinées contre le coronavirus", a déploré Maaza Seyoum de la branche africaine de People's Vaccine Alliance et African Alliance.

L'alliance estime aussi qu'en dépit d'un financement public de plus de 8 milliards de dollars, Pfizer, BioNTech et Moderna ont tous rejeté les appels à transférer la technologie des vaccins à des producteurs dans des pays à faible revenu par l'intermédiaire de l'OMS, "une mesure qui pourrait augmenter l'offre mondiale, faire baisser les prix et sauver des millions de vies".

La People's Vaccine Alliance exhorte aussi les géants pharmaceutiques à lever immédiatement les brevets protégeant les vaccins anti-Covid, via une initiative de l'Organisation mondiale du commerce, autour de laquelle les tractations continuent.

En mai dernier, BioNtech indiquait pour sa part que les brevets n'étaient "pas le facteur limitant" de la production de vaccins. "Les experts ont déjà souligné que la mise en place et la validation de nouveaux sites de production prennent en général un an", avançait-il. Par ailleurs, la production de vaccin à ARN messager, comme celui mis au point par BioNTech et l'américain Pfizer, "est un processus complexe développé sur plus d'une décennie. Toutes les étapes doivent être définies et exécutées de façon précise", par un "personnel expérimenté", a-t-il notamment expliqué. Si toutes les exigences ne sont pas remplies, la qualité et l'efficacité du vaccin pourraient en être affectées. "Cela pourrait mettre la santé des personnes vaccinées en danger". De fait, la levée des brevets serait avant tout symbolique.

Par ailleurs Moderna avait décidé, dès octobre dernier, de ne pas appliquer ses brevets sur son vaccin pendant la pandémie.

PS et JLD avec AFP