BFM Business
Industries

France 2030: un plan d'investissement aux airs de déjà-vu

placeholder video
L'innovation est au cœur des différents plans gouvernementaux depuis dix ans. Sans que les technologies de rupture n'apparaissent pour autant.

Huit ans séparent deux vidéos de la présidence de la République. Pourtant, elles se ressemblent furieusement. Dans les deux cas, on y voit une rétrospective des succès industriels français historiques, images d'archives à l'appui, le tout rythmé par une musique épique. En 2013, c'était la "Nouvelle France industrielle" Arnaud Montebourg. En 2021, c'est le plan France 2030.

En réalité, les grands plans d'investissement semblent se suivre pour mieux se ressembler depuis une dizaine d'années. En 2010, le gouvernement Fillon lance ses programmes d'investissement d'avenir (PIA) pour favoriser l'innovation dans des secteurs prioritaires, générateurs de croissance. Un plan de plusieurs dizaines de milliards d'euros qui continue toujours aujourd'hui à irriguer l'économie.

Le dernier en date, le PIA4, a été présenté par Jean Castex en septembre 2020: 20 milliards d'euros sur 5 ans pour des "investissements stratégiques et prioritaires".

En 2013, le ministre du Redressement productif de Français Hollande, Arnaud Montebourg, lance en grande pompe ses "34 plans de reconquête" pour une "Nouvelle France industrielle". Là encore, il est question de "déterminer les priorités de politique industrielle de la France". Energie renouvelables, robotique, avions verts, cloud… des thématiques déjà bien connues et que l'on retrouve en grande partie dans le plan présenté ce mardi.

En 2015, le nouveau ministre de l'Economie de François Hollande (un certain Emmanuel Macron) rabote les 34 plans de Montebourg pour en faire "9 solutions" pour l'industrie du futur.

Sauprouder les secteurs d'argent public

Une redondance qui fait d'ailleurs craindre l'inefficacité du nouveau plan. "Ce qui pêche généralement, c’est l'exécution. On a assez peu appris des derniers échecs dans le domaine" souligne sur BFM Business Christopher Dembik, directeur chez Saxo Bank.

"En France, on sait très bien sortir de grosses enveloppes" et "même si beaucoup des secteurs d'activité sont indéniablement des secteurs d'avenir, lorsque vous regardez dans le détail, vous avez beaucoup trop de secteurs sélectionnés et automatiquement ces fameux montants répartis vont être moindres pour chaque secteur. Cela va être dur de créer du jour au lendemain des leaders mondiaux" souligne-t-il.

Le risque est de saupoudrer les différents secteurs quand les plus grandes entreprises mondiales déploient des moyens colossaux. En avril dernier, Apple avait annoncé un budget de recherche et développement 5 ans de 430 milliards de dollars

En regardant de près la liste des projets Montebourg, le bilan est d'ailleurs décevant. La "voiture pour tous" consommant moins de 2 litres aux 100 km? Tombée dans l'oubli. Le cloud français souverain? Un doux rêve. Une filière robotique puissante? On en est encore loin…

Mais des avancées concrètes

Mais il ne faudrait pas non plus balayer d'un revers de main ces investissements. Sur les projets concrets, le TGV du futur verra bien le jour en 2024 (avec 5 ans de retard tout de même) et le CNRS a inauguré un des supercalculateurs les plus puissants du continent en 2020.

En réalité, les investissements des dix dernières années n'ont pas créé de ruptures technologiques en France. Ils ont néanmoins accompagné des transitions, par exemple en aidant à la réduction de la consommation des nouveaux moteurs thermiques dans l'automobile. Ils ont aussi permis de mettre en forme des pôles de compétitivité en France, dans un pays où la recherche et l'entreprise avaient énormément de mal à dialoguer. En revanche, les sommes sont impressionnantes pour un bilan économique très frugal, en termes de croissance.

Dans son allocution, Emmanuel Macron a d'ailleurs souhaité mettre en place une autre méthode avec ce plan, en assumant la prise de risques. Reste à savoir si cela paiera.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business