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Airbus évince encore un peu plus Boeing en Chine

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L'avionneur européen va doubler sa capacité de production dans l'empire du Milieu. De quoi mieux servir le colossal marché intérieur, réduire ses délais de livraisons à l'international et cornériser encore un peu plus son concurrent américain en délicatesse avec Pékin.

Le patron d'Airbus n'a pas fait le voyage en Chine avec Emmanuel Macron pour rien. Si l'avionneur n'a pas signé de nouvelles commandes (un contrat de 160 appareils déjà acté dans son carnet de commandes a été paraphé), il annonce l'installation d'une deuxième ligne d'assemblage final pour ses monocouloirs A320 et A321 sur son site de Tianjin (nord).

Il s'agit d'une annonce majeure. En doublant sa capacité de production d'avions sur le sol chinois, l'industriel se place au plus près de la colossale demande en nouveaux avions des compagnies aériennes chinoises.

"A mesure que le marché chinois continue de croître, il est tout à fait logique pour nous de produire sur place pour les compagnies aériennes chinoises, et probablement d'autres clients dans la région", explique à l'AFP Guillaume Faury, le patron d'Airbus.

Un besoin de 8500 appareils dans les 20 prochaines années

S'il est encore atone à cause des restrictions de déplacements liées au covid (qui viennent d'être levées), la Chine représente 20% du trafic aérien mondial et progresse de plus de 5% par an. Airbus évoque ainsi un besoin de 8500 appareils au cours des 20 prochaines années.

Air China, China Eastern, China Southern et Shenzen Airlines ont ainsi annoncé l'an passé une méga-commande de 292 A320, Xiamen Airlines une autre pour 40 A320.

Dans le même temps, cette nouvelle ligne de production va permettre à Airbus d'accélérer ses livraisons internationales (7300 prévues cette année) alors que le constructeur a été confronté à des difficultés dans sa chaîne d'approvisionnement en 2022.

Des problèmes qui lui ont fait rater ses objectifs annuels de livraisons, une épine dans le pied alors que les compagnies sont pour la plupart dans des logiques de renouvellements de flottes.

Des crashs qui pèsent lourd

Avec cette nouvelle unité, la cadence totale pourra se hisser à 75 A320 et A321 produits par mois d'ici 2026 contre 43 par mois en 2022, assure Airbus.

La montée en puissance d'Airbus va un peu plus cornériser son rival américain Boeing en Chine. Comme le rappelle l'AFP, les livraisons de Boeing en Chine se sont effondrées depuis 2019. Il n'a livré aux compagnies et loueurs chinois que 12 appareils en 2022, contre 95 pour Airbus.

Une chute qui s'explique par les relations conflictuelles entre Pékin et Washington, il faut rappeler que les achats d'avions en Chine passent par des structures d'Etat. La situation s'est encore un peu plus tendue suite à l'accident meurtrier l'an passé d'un Boeing 737-800, la pire catastrophe de l'aviation civile chinoise avec 132 victimes.

Le 737 MAX est par ailleurs resté presque trois ans cloué au sol après deux crashs ayant fait des centaines de victimes. Lueur d'espoir toutefois pour le géant américain: une compagnie chinoise a de nouveau fait voler en janvier l'appareil.

La belle trajectoire d'Airbus en Chine ne peut être finalement contrariée que par un seul acteur: le constructeur national Comac qui entend bien monter en puissance.

Vol inaugural du C919, l'avion moyen-courrier chinois
Vol inaugural du C919, l'avion moyen-courrier chinois © AFP

Le C919, premier moyen-courrier fabriqué par la Chine, est en effet l'atout du pays pour contrer la famille A320 d'Airbus. S'il n'a pas encore reçu l'autorisation de voler des régulateurs européen et américain, il devrait être très présent dans le ciel intérieur chinois.

La menace Comac

Les chiffres sont difficiles à vérifier mais les compagnies du pays auraient déjà commandé entre 300 et 800 unités de ce C919. "Ils ont un marché un peu captif où ils vont pouvoir commencer à vendre, à mettre en service ces avions et donc on va observer avec énormément d'attention ce qui se passe avec Comac", soulignait d'ailleurs sur BFM Business Guillaume Faury.

Si le C919 fait ses preuves et si Comac est capable de délivrer correctement, l'avion pourrait en effet limiter les ambitions d'Airbus en Chine. Cet appareil est largement composé de pièces occidentales, notamment ses moteurs. Mais les autorités entendent bien en faire un appareil indépendant de toute technologie occidentale.

Olivier Chicheportiche avec AFP