"Les climatiseurs rendront cette ville inhabitable": pourquoi François Bayrou veut qu'on utilise la géothermie pour nous rafraîchir l'été (et comment ça marche)?

Alors qu'un pic de canicule survient dans une grande partie de la France mardi, le Premier ministre a de nouveau fait la promotion de la géothermie comme alternative aux climatiseurs.

François Bayrou en parlait déjà lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale le 14 janvier dernier. Les conditions météorologiques des derniers jours l'incitent de nouveau à promouvoir la géothermie, cette technologie qu'il décrit comme "un réservoir inépuisable de calories gratuites sous nos pieds". Alors que le mercure a dépassé les 40 degrés dans certaines parties de l'Hexagone, de nombreux Français ont recours aux climatiseurs individuels pour rafraîchir leur logement.

Or, ces technologies sont "des maladaptations qui contribuent à réchauffer encore davantage l'atmosphère", selon Raphaëlle Nayral, secrétaire générale de Fraîcheur de Paris. Dans des zones fortement équipées en climatisations, les études montrent qu'elles peuvent augmenter de l'ordre de 0,5°C la chaleur des centres urbains, avec des projections jusqu'à +2 à 3°C si le taux d'équipement continue de progresser. Elles représentent par ailleurs 7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon l'ONU, notamment car les gaz réfrigérants, très réchauffants pour l'atmosphère, ont tendance à fuir.

"À Paris, où les vagues de chaleur pourraient faire monter le thermomètre jusqu'à 50°C en 2050, si on n'offre pas d'alternative" à la climatisation, "on rendra cette ville complètement inhabitable".

Depuis le centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l'Intérieur mardi matin, Agnès Pannier Runacher a elle-même évoqué la thermo-dynamique qui sous-tend le fonctionnement des climatiseurs: "Quand vous refroidissez une pièce, vous avez besoin, pour avoir ce froid, de réchauffer un autre espace et en particulier la rue, ce qui renforce l’effet 'îlot de chaleur'. Dans du bâti vertical et très minéral, sans arbre et sans prairie, les effets “ilôt de chaleur” vont renforcer de 4, 5 jusqu’à 8 degrés le ressenti de la température."

Une solution qui doit se déployer d'ici 2030

La ministre de la Transition écologique appelle donc à ne pas généraliser l'utilisation des climatiseurs et à plutôt "privilégier les méthodes qui renvoient la chaleur dans le sol" comme la géothermie. "Nous avons un immense potentiel de réduction des dépenses d’énergie, a souligné François Bayrou, également présent au sein de la cellule de crise dans la matinée. Nous avons sous nos pieds, dans notre sol, à la fois des calories pour se chauffer l’hiver et des situations qui nous permettent de nous rafraîchir l’été, quasiment sans dépense d’énergie."

"Je suis persuadé qu’on peut tout à fait activer dans tous les bâtiments publics ce potentiel qui concerne 96% du territoire français."

La géothermie désigne la captation et la valorisation de l'énergie thermique de sous-sol et des nappes d'eau souterraines par un système de forage. Elle est souvent présentée comme une source de chaleur inépuisable liée au fonctionnement géologique de la Terre alors que la chaleur représente 50% de la consommation d'énergie en France et reste largement produite par des énergies d'origine fossile et importées.

En février 2023, Agnès Pannier-Runacher et François Bayrou, alors respectivement ministre de la Transition énergétique et Haut-commissaire au Plan, avaient présenté un plan d'action en 15 points répartis en six grands axes pour accélérer le déploiement de la géothermie et notamment le développement d'une filière industrielle. Au printemps 2024, le patron de Bercy Bruno Le Maire avait quant à lui fixer l'objectif de tripler la consommation finale de chaleur renouvelable à partir de géothermie ainsi que celle à partir de pompe à chaleur géothermique d'ici la fin de la décennie.

Des températures faibles dans les 100 premiers mètres de profondeur

Il existe plusieurs types de géothermie selon l'usage de la chaleur extraite mais aussi en fonction de la température de captage. Dans le contexte actuel de températures élevées, c'est la géothermie très basse énergie ou de surface qui peut s'avérer utile. Elle consiste à capter dans l'eau des nappes phréatiques ou avec des sondes dans le sol une chaleur inférieure à 30 degrés pour chauffer ou rafraîchir des bâtiments ou maisons inviduelles grâce à l'utilisation d'une pompe à chaleur.

Ce type de géothermie est utilisée dans les 200 premiers mètres sous la terre et peut effectivement consister à capter du froid puisque la température peut se situer autour de 10 degrés dans les 100 premiers mètres de profondeur. La géothermie profonde de basse énergie consiste quant à elle à puiser de l'eau dont la température oscille entre 30 et 90 degrés et jusqu'à 2.500 mètres de profondeur afin d'alimenter des réseaux de chaleur en surface. Enfin, la géothermie de haute énergie puise de la vapeur d'eau située entre 1.500 et 5.000 mètres de profondeur pour produire de l'électricité.

Il est donc possible de rafraîchir un immeuble ou une maison inviduelle à l'aide d'une pompe à chaleur. Dans le cas d'une pompe à chaleur non réversible, on parle alors de "géocooling". Concrètement, la pompe à chaleur n'est pas mise en service l'été et un système de dérivation (bypass) permet de n'utiliser que les capteurs géothermiques pour le rafraîchissement en exploitant directement la fraicheur du sous-sol. Dans le cas d'une pompe à chaleur réversible, le cycle du fluide frigorigène est inversé pour fonctionner en mode "chaud" l'hiver et en mode "froid" l'été.

Timothée Talbi (avec AFP)