Coût, fraudes, économies... Le compteur Linky a-t-il tenu toutes ses promesses?

Il est aujourd'hui présent dans plus de neuf sur foyers sur dix en France. Le compteur électrique Linky, lancé en 2016 par Enedis, a progressivement remplacé les appareils électromécaniques qui nécessitaient le passage d'un agent pour relever de visu la consommation.
Avec Linky qui est pilotable à distance, ce relevé est envoyé directement à EDF et permet une facturation de la consommation réelle. De quoi permettre d'éviter les estimations de consommation parfois déconnectées de la réalité qui étaient effectuées en l’absence de relevé.
Il offre aussi aux consommateurs la possibilité de gérer finement leur consommation (notamment à travers les tarifs heures pleines/heures creuses ou en observant quand sont les pics de consommation) et de faire en théorie des économies.
Mais le petit appareil jaune fluo est au centre de plusieurs polémiques, parfois fausses, parfois justifiées. Revue de détails.
• Des économies pas vraiment visibles
La Cour des comptes s'est récemment penchée sur le déploiement de Linky, son coût pour l'Etat et les bénéfices pour le consommateur.
Pour les caisses de l'Etat, le bilan est plutôt positif puisque selon le rapport des Sages, son déploiement s'est déroulé de façon satisfaisante et à un coût inférieur aux prévisions initiales, à 4,6 milliards d'euros, ce qui est inférieur de 18% à la prévision initiale. 880 millions d'euros d'économies ont été réalisées sur les conditions d'achat et de pose des compteurs.
Pour le consommateur, c'est plus mitigé. Selon le rapport, les gains réels sont estimés à seulement 1% de la consommation. La Cour estime donc que le bilan en termes commercial et de maîtrise de la demande d'énergie est "encore décevant".
Financièrement, Linky profite principalement à Enedis, avance la Cour des comptes. "Les incitations au déploiement du programme Linky, qu'il s'agisse de son financement, des modalités de régulation incitative à l'atteinte des objectifs ou du mécanisme de différé tarifaire, ont été particulièrement avantageuses pour Enedis", écrit la Cour.
Le gestionnaire a profité de la diminution des coûts de relevé et des petites interventions, devenues faisables à distance, ainsi que la réduction de certaines pertes liées aux anomalies de comptage ou aux erreurs de facturation, soit des économies de 311 millions d'euros entre 2016 et 2023.
"Une part de ces gains a été rétrocédée aux consommateurs à travers la baisse du coût de certaines prestations", ajoute néanmoins le rapport.
• Un impact environnemental mitigé
Le remplacement des anciens compteurs a généré une quantité importante de déchets électroniques, certains toxiques. Surtout, la fabrication des nouveaux dispositifs a nécessité l'utilisation de métaux rares dont la production a une importante empreinte carbone.
Problème, Linky a une durée de vie officielle fixée à 15-20 ans, contre 60 ans pour les anciens compteurs. Son remplacement à terme sera donc très polluant.
• Des réfractaires bientôt facturés
Si plus de 90% des foyers sont équipés (37,3 millions), certains font encore de la résistance. Ils sont 2,1 millions selon Enedis.
Jusqu'ici, une certaine tolérance était appliquée mais cela va changer. La CRE (Commission de régulation de l'énergie) propose qu'à partir d'août 2025, les réfractaires devront s’acquitter de 41,58 euros par an au minimum, voire de 25,08 euros en plus, si les usagers ne transmettent pas eux-mêmes leur relevé de consommation ou s’ils ne planifient pas un rendez-vous de relève avec un agent d'Enedis.
Les foyers pour qui l'installation de Linky est impossible (raisons techniques) ne seront pas facturés. Cette exemption pourrait concerner 180.000 foyers.
• Inviolable? Pas vraiment
Linky a été présenté comme un dispositif anti-fraude en comparaison des anciens compteurs que l'on pouvait assez facilement bloquer sans couper le courant.
Mais moyennant quelques centaines d'euros, des techniciens amateurs ou professionnels interviennent à domicile pour modifier Linky afin que ce dernier ne capte pas toute la consommation de l'habitation concernée. On trouve même des tutos sur le web pour drastiquement réduire sa facture quitte à risquer l'électrocution.
"La fraude au compteur électrique, c'est du vol d'électricité et c'est illégal", rappelait Enedis à l'AFP à la rentrée.
Le gestionnaire dit constater depuis plus d'un an "une augmentation significative des cas de fraudes", une hausse "renforcée par l'apparition sur les réseaux sociaux de différentes offres proposant de mettre en place ces dispositifs frauduleux" et amplifiée par la hausse des prix.
Le gestionnaire du réseau de distribution électrique estime que ces fraudes lui ont causé 250 millions d'euros de pertes depuis 2022.
Enedis va donc "généraliser les contrôles en 2025" pour enrayer cette pratique. Pour leurs clients, les amendes oscillent entre 3.000 et 6.000 euros.
"Actuellement, 250 collaborateurs de l’entreprise sont mobilisés sur ces enjeux. Nous allons doubler ces effectifs pour atteindre 500 personnes dans le courant de l’année 2025.", prévient le gestionnaire.
Si le particulier refuse ou retarde l'accès à son compteur Linky, Enedis pourra couper son accès au réseau électrique dans un délai de dix jours après l'envoi d'une mise en demeure.
Et pour ceux qui proposent contre quelques centaines d'euros de trafiquer le compteur, les sanctions peuvent aller jusqu'à 1 million d'euros d'amende et 10 ans de prison.
• Un espion dans sa maison? Non
Très vite après son apparition, Linky a été accusé d'espionner les foyers, étant connecté, il envoie en effet des données à Enedis.
Mais le gestionnaire le répète depuis presque 10 ans, il s'agit uniquement de données de consommation qui sont transmises, pas de données personnelles (nom, adresse...).
Ces datas sont envoyées une fois par jour, sont par ailleurs chiffrées et sous le contrôle de la Commission nationale pour l’informatique et les libertés (Cnil). Enedis n'a pas le droit de les revendre ou de les partager.
Une légende urbaine fait également croire qu'une caméra est présente dans l'appareil (matérialisée par le petit point vert clignotant). C'est évidemment faux.
• La crainte des ondes
Etant connecté, Linky a rapidement été accusé d'émettre des ondes nocives à l'image des téléphones mobiles.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses) a étudié la question en 2017: le niveau d’ondes électromagnétiques est équivalent à celui d’un chargeur de smartphone ou à une box Wi-Fi. Ses émissions sont entre 25 et 37 fois inférieures aux valeurs limites autorisées.
D'autant plus que cette connexion n'est établie qu'une fois par jour entre minuit et 6 heures du matin.
Emballer le compteur avec du papier aluminium comme on peut le voir dans moult vidéos sur les réseaux sociaux pour "se protéger" des ondes électromagnétiques ne sert donc strictement à rien.
Pire, cela peut entraîner une surchauffe de l'appareil et donc une coupure de courant voire un risque d'incendie.