"Des doutes sur notre capacité à poursuivre notre activité": pionnier de la photo depuis 133 ans, Kodak est au bord du gouffre

À court de liquidités, l'entreprise vieille de 133 ans annonce avoir des doutes quant à sa capacité à poursuivre ses activités. Eastman Kodak avait déjà déposé le bilan en 2012.

C'est un pan de l'histoire américaine et de la photographie qui pourrait tomber prochainement. Kodak, vénérable entreprise fondée en 1892, spécialisée notamment dans les films et appareils photographiques, a indiqué lundi 11 août avoir "des doutes quant à sa capacité à poursuivre ses activités", faute de liquidités.

Comme le relate CNN, l'entreprise a averti lors de la présentation de ses résultats ne pas disposer de "financements engagés, ni de liquidités disponibles" pour honorer ses obligations de dette à venir, d'environ 500 millions de dollars. Au deuxième trimestre, elle a essuyé une perte nette de 26 millions de dollars.

La compagnie indique qu'elle va cesser de verser les cotisations à son régime de retraite afin de générer des liquidités, sans donner plus de détails sur son avenir proche.

Des virages mal négociés

Ce n'est pas la première fois que l'Eastman Kodak Company -son nom complet- se retrouve au bord du gouffre. Après plusieurs décennies de croissance ininterrompue, portée par l'essor du marché de la photographie grand public et professionnelle, et par ses innovations permettant de démocratiser son usage ("Appuyez sur le bouton, nous nous occupons du reste"), l'entreprise connaît ses premières difficultés en 1986, alors qu'elle détient une part de marché de 85% dans les appareils photo aux Etats-Unis.

La firme, basée à Rochester, dans l'État de New York, doit alors cesser de fabriquer et de vendre des appareils à développement instantané, un segment en plein essor, à cause d'une plainte de Polaroid.

Dans le même temps, alors qu'elle a mis au point la photo numérique entre 1972 et 1975 (sans film nécessaire), elle persiste à tout miser sur les appareils classiques et les films argentiques, notamment avec son format propriétaire APS, ratant ainsi un virage majeur.

Il faut attendre 2004 pour que Kodak change sa stratégie en se concentrant sur le numérique. Mais c'est un peu tard. L'entreprise est alors distancée par ses concurrents japonais notamment.

De la photo à la pharmacie

Entre des pertes de parts de marché et son désengagement de certaines activités comme l'imagerie médicale, Kodak dépose le bilan en janvier 2012 et se place sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, ce qui lui permet de geler ses créances évaluées à 6,75 milliards de dollars. Cette année-là, elle compte 17.000 salariés contre 64.000 une décennie ans plus tôt.

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Pour rebondir, elle vend ses précieux brevets à Apple et Google, change son organisation, fait son retour à Wall Street et sort du régime des faillites fin 2013, avec seulement 7.500 employés restants. Malgré ces efforts, la rentabilité peine à faire son retour: le cours de son action passe de 35 dollars en 2013 à moins de 3 dollars en 2017.

En 2020, Kodak bénéficie d'un coup de pouce de l'administration américaine qui l'invite à se transformer en producteur d'ingrédients pharmaceutiques. L'activité "Advanced Materials and Chemicals" est désormais au coeur de la stratégie du groupe avec l'imagerie et l'impression. Mais le mal semble plus profond chez Kodak qui va devoir affronter une nouvelle épreuve de sa longue histoire.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business