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"Une chaîne d'approvisionnement tentaculaire": les droits de douane vont faire bondir les prix du F-35 américain, le Rafale peut-il en profiter?

Le Lockheed Martin F-35 Lightning II.

Le Lockheed Martin F-35 Lightning II. - Lockheed Martin

Les droits de douane imposés par le gouvernement américain pourraient fortement alourdir la facture de l'avion de combat américain F-35.

Symbole de la puissance aérienne et industrielle américaines, champion à l'export avec plus de 1.100 exemplaires vendus à une vingtaine de pays, l'avion de combat F-35 de Lochkeed Martin pourrait faire les frais de l'instauration des droits de douane décidée par Donald Trump.

Avec plus de 1.900 fournisseurs issus d'une douzaine de pays, la chaîne d'approvisionnement du F-35 est "tentaculaire", décrit le Wall Street Journal.

L'importance de la supply chain européenne

Une partie des pièces, sections et équipements provient d'ailleurs d'Europe: Royaume-Uni, Italie Pays-Bas, Danemark et Norvège fournissent des éléments pour l'avion, du siège éjectable au fuselage, en passant par le manche. Des pays qui ont participé au développement de l'avion et qui bénéficient du retour industriel lié à l'acquisition de ces appareils.

A lui seul, le Royaume-Uni affiche un partage de la valeur de 13-15% par avion, propulsion exceptée.

L'Allemagne va prochainement rejoindre ce club européen, le conglomérat allemand Rheinmetall devrait débuter la production de sections de fuselage à partir de cet été.

L'Australie et le Canada font également partie des contributeurs et sont donc de fait intégrés à la chaîne d'approvisionnement, l'Australie indiquant que son tissu industriel a sécurisé plus de 3,2 milliards de dollars de contrats pour le F-35, précise le WSJ.

Opération exemption

Alors que le programme est évalué comme l'un des plus chers au monde, l'application des droits de douane sur les pièces et équipements importés aux États-Unis pour l'assemblage final de l'appareil est anticipée avec crainte par les industriels et les politiques. Les coûts supplémentaires engendrés par les taxes pourraient plomber le prix de l'avion.

Selon le WSJ, des membres du Congrès américain ont lancé une campagne de lobbying pour demander une exemption des droits de douane sur les équipements de défense.

Les industriels américains étudient toutes les options et les recours pour subir le moins possible la hausse des tarifs douaniers – à l'image du "chapitre 98", qui permet des importations exemptées de taxes si le gouvernement considère le produit comme du "matériel de guerre", explique le WSJ, citant un interlocuteur de l'Aerospace Industries Association. La constitution de stocks stratégiques, de matières premières, voire de terres rares en provenance de Chine, fait également partie des enjeux industriels.

Ce surenchérissement des tarifs de l'avion de chasse américain va-t-il involontairement profiter au... Rafale français? Pour rappel, après des débuts plus que laborieux, le Rafale a poursuivi sur sa lancée à l'exportation. Suite au récent contrat avec l'Inde, le chasseur français en est à ce jour à 507 exemplaires commandés, dont 273 pour l'export.

Le point faible de l'avion français, c'est que les pays européens le boudaient majoritairement jusqu'à présent hormis la Grèce, la Serbie et la Croatie. D'autres armées d'Europe comme celles de l'Allemagne, de la Belgique, de la Suisse ou de la Finlande, ont préféré s'équiper avec le F-35 américain.

"Il n'y a pas d'alternative"

Malgré des coûts en hausse et le refroidissement des relations transatlantiques, l'option Dassault pour ces Etats européens semble néanmoins très improbable.

Comme en témoigne l'intervention récente du chef d’état-major de la FAP, l'armée de l'air portugaise qui doit s'équiper en chasseurs-bombardiers. Lors d'une conférence sur la défense, organisée par le quotidien Diário de Notícias, le 22 avril avril dernier, le général Cartaxo Alves a estimé que "le Portugal n’avait pas d’autre alternative que d’acquérir des F-35" qui son "assemblés en Europe", rapporte le site Zone militaire Opex360.

"Ce sont des avions de cinquième génération. Tous les pays en possèdent. Les avions européens, comme le Rafale et l’Eurofighter, sont moins avancés. On peut envisager un chasseur européen de pointe dans 20 ans, mais il n’y a pas d’alternative aujourd’hui", a expliqué le général.

Les plans nucléaires de l'Otan sont en effet assurés par des flottes transportant des bombes américaines, c'est le cas de la Luftwaffe allemande. Même plus cher, le F-35 devrait à moyen terme rester l'option privilégié par les armées européennes.

Helen Chachaty