Pourquoi le porte-hélicoptères Tonnerre n'est pas un navire hôpital

Le navire hôpital américain USNS Comfort - Bryan R. Smith
"Tonnerre de Brest!" En employant le terme de "navire hôpital" pour présenter le Tonnerre, Emmanuel Macron a déclenché de vives réactions au sein du monde militaire et des passionnés de marine. Toute la presse, ou presque (dont BFM Business), a attisé les remarques des experts en reprenant cette appellation inapropriée.
Polémique d'expert dont le public n'a que faire? Pas vraiment. La distinction entre un porte-hélicoptères amphibie (PHA) comme Le Tonnerre et un hôpital flottant est importante du point de vue technique, tactique et dans la réglementation à laquelle ils sont soumis, comme le précise dans un long message d'explication sur X (ex-Twitter) Loïc Guermeur, ancien navigateur de la Marine nationale et auteur ("Les grandes histoires navales de la Seconde Guerre mondiale", éditions Plon).
"Ce qui m'a heurté, c'est la confusion que cela a créé et les railleries sur les capacités de la Marine qui ont été publiées sur les réseaux sociaux", indique ce navigateur à BFM Business.
Navire d'évacuation plutôt que navire-hôpital?
Le Tonnerre est un navire de guerre au sens strict du terme. C'est même le deuxième plus grand bâtiment de la Marine nationale après le porte-avions Charles de Gaulle. Surnommé "couteau suisse de la Marine nationale", il peut s'adapter à de nombreuses missions, même sanitaires comme en Méditerranée.

Mais à son bord, il dispose d'hélicoptères de combat ou de transport de troupes et des marins et des soldats en arme capables d'intervenir dans des situations de combat. Il peut même transporter des engins blindés ou des chars. C'était d'ailleurs sa configuration au moment de son départ pour la Méditerranée Orientale.
"Il est parti au coup de sifflet comme disent les marins alors qu'il revenait d'une mission Otan et il n'était pas équipé comme un hôpital", nous indique Loïc Guermeur.
Devait-il servir à évacuer en urgence les Français de Gaza si le conflit s'était étendu? Très vraisemblablement, estiment plusieurs experts. D'ailleurs, l'armée française équipe le porte-hélicoptères Dixmude avec des équipements médicaux avancés pour relever le Tonnerre dans une dizaine de jours, a récemment annoncé Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Ce bâtiment devrait avoir à son bord 70 lits, une salle de radiologie et plusieurs blocs opératoires.
Un statut juridique bien particulier
Mais au-delà de ces aspects techniques, un navire hôpital a un statut juridique bien particulier défini par la Convention de Genève de 1949. Attaquer un de ces bâtiment est considéré comme un crime de guerre au même titre qu'un hôpital terrestre. Aucune erreur n'est possible. Ces bâteaux sont blancs et ornés d'une imposante croix rouge sur la coque.
"Ils bénéficient, au niveau du droit, du même statut qu'un hôpital terrestre et n'ont donc pas le droit d'emporter des armes, ne serait-ce qu'une mitrailleuse de défense, même s'il appartient à une marine de guerre", précise Loïc Guermeur.
Pourquoi la France n'a-t-elle donc pas envoyé un bâtiment de ce type? La réponse est simple: parce qu'elle n'en a pas.
"On n'en a pas le besoin. Lorsqu'il a fallu le faire pour des missions d'urgence, des paquebots civils ont momentanément été transformés en hôpital", poursuit notre expert.
En fait seulement deux pays disposent de ce type de navire. Les Etats-Unis en ont deux (USNS Comfort et Mercy), le Royaume-Uni en a un. En 2020, lors de la crise Covid, Washington a décidé d'installer le Mercy sur la côte ouest et le Comfort à l'est au large de New York.
Leur équipage se compose de plus de 200 marins non armés et de près d'un millier de personnel soignant. Ils disposent de 1.000 lits près à accueillir des blessés. Ce sont d'ailleurs les navires les plus imposants de l'US Navy (272 mètres et 70 tonnes) après les porte-avions de classe Nimitz et l'USS Enterprise.
