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Défense

Plutôt que des Rafale ou des Eurofighter européens, la Suisse a opté pour des F-35 américains... qui s'avèrent plus chers que prévu à cause de l'inflation

Un F-35 en essai sur la base aérienne de Payerne, près de Neuchâtel

Un F-35 en essai sur la base aérienne de Payerne, près de Neuchâtel - Fabrice COFFRINI

Refusant d'assumer les coûts supplémentaires liés à l'inflation pour acquérir des avions de combat F-35, la Suisse fait publiquement étalage de son désaccord avec les États-Unis.

Le contrat aurait-il du plomb dans l'aile? La Suisse a fait état ce mercredi d'un désaccord sur le prix des 36 avions de combat américains F-35 que le pays alpin a achetés, affirmant que les États-Unis demandent à Berne d'assumer des coûts supplémentaires liés à l'inflation.

"Un règlement des différends par voie juridique étant formellement exclu, la solution doit être négociée", a indiqué le ministère suisse de la Défense, dans un communiqué.

Le Conseil fédéral quant à lui "défend la validité [du] prix et maintient son intention d’acheter les F-35A".

Selon Berne, la Suisse et les États-Unis ont convenu contractuellement d'un prix ferme. "Celui-ci a été confirmé officiellement, à la fois par les rapports d'expertise de plusieurs études d'avocats et par l'ambassade américaine à Berne", indique le communiqué.

Le gouvernement suisse "défend la validité du prix ferme convenu, tandis que la DSCA (l'Agence américaine de coopération pour la défense et la sécurité, NDLR) est d'avis que la Suisse doit assumer ces coûts supplémentaires dus à l'inflation élevée qu'ont connue les États-Unis ces dernières années et à la forte hausse des prix des matières premières et de l'énergie liée à la pandémie de Covid-19", explique le ministère de la Défense.

"Résoudre cette problématique"

Le gouvernement suisse a décidé de poursuivre les discussions diplomatiques et a chargé le ministère de la Défense de lui soumettre une proposition concrète "pour résoudre cette problématique".

Le département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), indique dans son communiqué qu'en août 2024, le Joint Program Office (JPO), responsable des projets liés au F-35, "a annoncé à armasuisse (l'agence d'acquisition d'armement, NDLR) qu’il pourrait y avoir un surcoût, sans plus de précisions".

Quelques mois plus tard, en février 2025, la DSCA a "informé la Suisse par écrit que le prix ferme convenu reposait, selon elle, sur un malentendu, sans pour autant chiffrer les coûts supplémentaires".

"Une rupture du contrat avec le gouvernement américain aurait des conséquences considérables. Elle empêcherait la Suisse de garantir la sécurité de son espace aérien et de sa population à partir de 2032, étant donné que les avions de combat F/A-18 actuels arrivent au terme de leur durée d'utilisation", prévient le ministère de la Défense.

Un dossier au long cours

La Suisse a signé le 19 septembre 2022 le contrat portant sur l'achat controversé de ces avions de combat de l'Américain Lockheed Martin pour plus de 6 milliards de francs suisses (6,4 milliards d'euros). Les livraisons doivent débuter en 2027.

L'achat est l'acte final d'une longue saga pour doter l'armée de l'air suisse de nouveaux appareils, dans le cadre du plan Air 2030.

Le gouvernement avait décidé fin juin 2021 d'acquérir le F-35, considéré comme un des avions de combat les plus modernes et sophistiqués au monde et qui équipe déjà ou va équiper de nombreux pays européens.

En septembre 2020, les Suisses avaient approuvé de justesse une enveloppe de 6 milliards de francs pour permettre aux forces aériennes de se doter d'une nouvelle flotte, les appareils actuellement en service - F/A 18 et F-5 - arrivant en fin de vie à la fin de la décennie.

Si le gouvernement suisse affirme que l'avion était de loin le meilleur, au prix le plus bas de tous les jets en lice pour le contrat (Rafale, F/A-18 et Eurofighter), les innombrables difficultés techniques et dépassements budgétaires du programme F-35 aux États-Unis avaient incité deux commissions parlementaires suisses à lancer une enquête sur le choix de l'appareil.

La Suisse avait initialement sélectionné l'avion de combat Gripen, produit par le constructeur suédois Saab, en 2012. Un rejeté par voie de votation populaire en 2014. Un nouveau processus d'achat avait ensuite été lancé, sans le Gripen cette fois-ci.

Helen Chachaty avec AFP