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Défense

Pendant que les Américains écoulent leur F-35, les Européens restent cloués au sol: après le Scaf, l'autre futur avion de combat "Tempest" est bien mal embarqué

Le futur avion de combat construit par le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon doit en théorie être mis en service en 2035.

Le futur avion de combat construit par le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon doit en théorie être mis en service en 2035. - BAE Systems

L'avion de combat Tempest, co-développé par le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon, a été évalué comme un projet à risque par une agence gouvernementale britannique. La tenue des délais est jugée illusoire.

Les Européens une fois de plus en ordre dispersés. Alors que les Américains travaillent sur leur futur F-47 et écoulent surtout des quantités de leur avion de chasse F-35 Lightning II (plus de 1.000 ont déjà été produits) dont une bonne partie sur le Vieux continent, les Européens ne sont toujours pas d'accord sur une proposition unique.

Outre l'actuel Rafale de Dassault, deux autres projets sont dans les cartons: le Scaf dont l'avenir semble compromis et le Tempest.

Si le projet franco-germano-espagnol de système de combat aérien futur n'en finit plus de traverser les zones de turbulences, l'autre projet d'aviation de combat en partie européen, mené par le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon, n'est pas mieux loti.

L'agence nationale britannique chargée de la transformation des infrastructures et des services (NISTA) a en effet étiqueté le programme GCAP (Global combat air programme) en rouge, soit la plus basse notation de l'autorité d'évaluation.

Les critères de cette étiquette rouge renvoient à un programme dont la réussite "semble impossible" et dont la viabilité globale n'est pas assurée.

"Il existe des problèmes majeurs au niveau de la définition du projet, du calendrier, du budget, de la qualité et/ou des avantages escomptés, qui, à ce stade, ne semblent pas gérables ni résolubles", indique la définition de la NISTA.

Si "des progrès significatifs ont été réalisés" dans la conduite du programme, la Nista relève que "le programme n'en est encore qu'à ses débuts et l'ampleur des défis à relever pour mettre en œuvre un programme de cette envergure est largement admise".

Le futur concurrent du Scaf

Également surnommé Tempest, le programme d'aviation de combat de sixième génération associe les industries britannique, italienne et japonaise, au sein d'une co-entreprise créée en juin dernier, baptisée Edgewing et qui réunit BAE Systems, Leonardo et Japan Aircraft Industrial Enhancement, une filiale de Mitsubishi.

L'objectif est de doter les forces aériennes britannique, italienne et japonaise, à l'horizon 2035, d'un nouvel avion de chasse, des capteurs et de l'armement associés, ainsi que des drones accompagnateurs.

Le calendrier de développement est ambitieux: les industriels visent un premier vol de démonstrateur, pour tester le concept et certaines technologies, en 2027. Il sera doté de deux moteurs d'Eurofighter, en attendant le futur réacteur développé par Rolls-Royce.

Retards et désaccords

Si, sur le papier, le GCAP semble mieux avancer que le Scaf, qui fait face à d'immenses difficultés en termes de partage industriel, il n'en reste pas moins que le programme trinational fait lui aussi les frais de dissensions. Fin 2023 déjà, la Suède, et donc le constructeur Saab, avaient annoncé leur retrait du programme.

Plus récemment, Reuters rapportait les propos du ministre italien de la Défense Guido Crosetto, se plaignant en avril dernier du fait que le Royaume-Uni ne partage pas entièrement ses propres technologies avec les partenaires du programme.

"Il faut briser certaines barrières en matière d'égoïsme. L'Italie les a entièrement brisées, le Japon presque totalement. Il me semble que le Royaume-Uni est beaucoup plus réticent à le faire et c'est une erreur, car l'égoïsme est le pire ennemi des nations", a-t-il déclaré à l'agence de presse.

L'Italie était par ailleurs plutôt favorable à la participation de l'Arabie Saoudite au projet et le Japon avait montré quelques signes d'ouverture à ce sujet, mais rien n'est encore validé formellement entre les différentes parties. Les déclarations récentes d'un responsable de BAE Systems, relayées par Reuters à la mi-juillet, mettaient d'ailleurs en doute l'éventualité d'intégrer un pays supplémentaire, arguant des retards et des surcoûts qu'engendrerait une telle décision.

Helen Chachaty