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Défense

"On va rendre les océans transparents": comment ces drones marins dopés à l'IA vont révolutionner la guerre sous la mer

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Le spécialiste européen de l'intelligence artificielle de défense Helsing étend sa gamme de drones et propose un système dédié à la surveillance sous-marine.

A quand des essaims de drones sous-marins? Le spécialiste de l'IA de défense Helsing a présenté mi-mai à Portsmouth, en Grande-Bretagne, un concept de drone sous-marin dirigé par de l'intelligence artificielle, pour patrouiller dans les mers.

Le binôme est composé de Lura, un système logiciel doté d'IA, ainsi que d'un planeur sous-marin baptisé SG-1 Fathom (sonder, en anglais), d'un diamètre de 28 centimètres pour une longueur de 195 centimètres et pesant 60 kilos. Il serait capable de rester sous l'eau "jusqu'à trois mois sans interruption", affiche Helsing, qui vante sa "discrétion" pour mener des missions de renseignement sous-marines.

Selon la société, un seul opérateur pourrait coordonner "des centaines" de planeurs et ainsi accroître les capacités de renseignement dans le cadre des missions de lutte anti-sous-marine, pour détecter et classifier des menaces en temps réel.

L'idée est de décupler les capacités de détection, en complément des spécialistes des sonars, qu'on surnomme les "oreilles d'or" dans les sous-marins.

Selon Helsing, l'IA serait capable de détecter des signatures acoustiques dix fois plus faibles et ce quarante fois plus rapidement qu'une oreille humaine.

Cette technologie pourrait être déployée en essaims, qui pourraient compter des centaines de drones, comparables aux galaxies de satellites de type Starlink. Ils permettraient alors de cartographier des pans entiers de zones océaniques.

"Nous allons rendre les océans transparents et dissuader nos adversaires", assure dans L'Opinion Gundbert Scherf, le co-PDG de Helsing.

Le concept intéresse la Royal Navy, ainsi que d'autres clients, qui n'ont pas été dévoilés. Mené en partenariat avec QinetiQ, Blue Ocean Marine Tech Systems et Ocean Infinity, le programme devrait être testé "à grande échelle" d'ici la fin de l'année 2025.

La dronisation de la guerre sous-marine

Protection de câbles sous-marins, affirmation de puissance, prospection offshore… L'intérêt pour les drones sous-marins s'accroît, en tant que "multiplicateur de forces" mais aussi en tant que menaces, indiquait récemment en audition parlementaire l'amiral Bernard Rogel, ex-chef d'état-major particulier du président de la République et ancien chef d'état-major de la marine nationale.

Léo Péria-Peigné note dans un rapport sur la dronisation navale publié par l'Institut français des relations internationales (IFRI) en 2022 que c'est aussi "un moyen pour les flottes des puissances secondaires d’acquérir ou de maintenir des capacités à moindre coût", en particulier dans la dimension sous-marine. Disposer d'une flotte de drones sous-marins pour faire de de la surveillance coûte moins cher que d'acquérir et de mettre en œuvre un sous-marin.

L'idée de planeur sous-marin n'est pas nouvelle, la marine chinoise aurait déjà des appareils de ce type, équipés pour des missions hydrographiques, selon le document de l'IFRI.

Une stratégie industrielle multimilieux

Fondé en 2021, Helsing, dont le siège social est situé à Munich en Allemagne mais qui dispose également d'une filiale en France, a pour ambition de développer des solutions logicielles fondées sur l'IA et de s'implanter durablement dans le secteur de la défense, dans les domaines de l'aéroterrestre, du naval et du spatial.

L'entreprise a d'ores et déjà signé un contrat avec l'Allemagne pour équiper les forces ukrainiennes de plusieurs milliers de drones d'attaque HX-2, en partenariat avec l'industrie ukrainienne, et vise une place parmi les plus importants constructeurs de masse de drones d'attaque.

Une première usine de production a été construite en Allemagne, d'autres pourraient suivre en Europe dans les années à venir.

Helen Chachaty