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Défense: même avec un budget en hausse, le ministère des Armées se résout à des concessions

Malgré des moyens en nette hausse, tous les besoins prévus pour les armées ne seront pas satisfaits

Malgré des moyens en nette hausse, tous les besoins prévus pour les armées ne seront pas satisfaits - Sylvain THOMAS

Malgré un montant "sans précédent" de 413 milliards d'euros, le projet de Loi de programmation militaire 2024-2030 va contraindre le ministère à des choix drastiques. "Aucun renoncement" n'est annoncé, mais les militaires vont devoir faire des "révisions de cadencement".

413 milliards d'euros sur sept ans, dont 13 de recettes extra-budgétaires pour financer en partie l'aide militaire à l'Ukraine. Le projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 présenté ce matin en Conseil des ministres est "sans précédent" admet l'entourage du ministère des Armées.

Le budget des armées va augmenter de 3,1 milliards d'euros en 2024 puis de 3 milliards par an de 2025 à 2027, avant des "marches" de 4,3 milliards par an à partir de 2028. Une "trajectoire plancher" à laquelle "il faudra éventuellement prévoir des compléments" en fonction de la menace, souligne le ministère, qui espère une adoption de la LPM par le Parlement avant le 14 juillet.

Malgré tout, il faudra "prioriser certains programmes au détriment d'autres".

Pas de renoncement, mais des révisions de cadencement

Ces arbitrages s'expliquent par une situation tout aussi inédite que ce budget.

"Ne pas en tenir compte serait une faute non pas politique, mais historique", souligne l'entourage du ministre.

La guerre en Ukraine et les risques d'un conflit majeur en Europe pousse à produire plus, à moderniser les équipements, à recruter des spécialistes, à rattraper les retards accumulés notamment en matière de drones tout en poursuivant le maintien en condition opérationnel des équipements et poursuivre ou lancer les grands projets d'armement comme le Scaf ou le porte-avions de nouvelle génération.

A tout cela s'ajoute les effets de l'inflation qui pourraient atteindre un montant de 30 milliards d'euros. Pour y faire face, mais aussi pour parer aux "urgences opérationnelles", notamment en matière de drones et de lutte anti-drones, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, souhaite déjà solliciter une dépense supplémentaire de 1,5 milliard d'euros en 2023, complément d'un budget annuel de 43,9 milliards.

De fait, tous les besoins prévus d'ici à 2030 ne seront pas satisfaits.

"Il n'y a pas de renoncement, mais des révisions de cadencement", nuance une soure proche du ministère en signalant que si "les cibles restent globalement identiques", "quelques matériels pourront ne pas arriver en nombre aussi important que prévu".

Scorpion, Rafale, A400M et nouvelles frégates

Si les grands programmes sont préservés, parmi lesquels le Scaf, le char franco-allemand MGCS, le porte-avions qui succèdera au Charles de Gaulle, la dissuasion nucléaire et le renforcements des ressources humaines pour le renseignement, d'autres seront moins ambitieux que prévus.

Le programme Scorpion de renouvellement de la composante blindée de l'armée de Terre par des engins connectés, Jaguar, Griffon, Serval, en fera par exemple les frais. L'entourage du ministre évoque une "centaine de Jaguar en moins" sur les 300 prévus et "quelques centaines" de Griffon et Serval reportés après 2030. Pour faire face à ces décalages, VAB et AMX-10RC seront modernisés pour "être scorpionisés".

Le passage des forces aériennes au "tout Rafale sera accéléré, mais pas finalisé dans la LPM". Les livraisons de 42 avions de combat prévues entre 2027 et 2030 sont étirées jusqu'à 2032. En 2030, l'armée de l'Air disposera de 137 Rafale contre une cible initiale de 185. Pour sa part, la Marine ne pourra compter en 2030 que sur trois des cinq frégates de défense et d'intervention (FDI).

Les livraisons d'avions de transport A400M, nécessaires pour projeter des moyens jusque dans la zone Pacifique, seront accélérées, passant de 20 appareils actuellement à 35 en 2030, mais l'objectif final de 50 appareils reste en discussion.

Et le spatial...

Dans le domaine spatial, Paris financera les études de la prochaine génération de satellites Celeste de renseignement d'origine électromagnétique et le successeur du programme Yoda de satellite patrouilleur, destiné à tenir à distance des satellites français les engins spatiaux trop curieux. Par contre, le troisième satellite Syracuse IV de communication est abandonné au profit d'une constellation dont les contours restent à définir.

Enfin, l'augmentation de la production de munitions et de système d'artillerie comme le Caesar ne sont pas remis en cause, mais le remplacement en 2027 des lance-roquette unitaires (LRU) est en réflexion. Paris pourrait opter pour des "Himars américains ou une solution européenne". "Ce sujet n'est pas tranché", confie le ministère.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco