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Défense

80.000 composants touchés par des restrictions: la terrible dépendance de l'industrie de défense américaine vis-à-vis de la Chine

Le sous-marin nucléaire lanceur d'engins de classe Ohio USS Maine de l'US Navy

Le sous-marin nucléaire lanceur d'engins de classe Ohio USS Maine de l'US Navy - U.S. Marine Corps - Lance Cpl. Emily Weiss

Pour produire des matériels militaires, il faut un certain nombre d'équipements et de composants. Et pour produire ces composants, il faut des ressources accessibles facilement et à des coûts maîtrisés. Une équation de plus en plus compliquée pour l'industrie de défense américaine.

Les conclusions du rapport sont sans appel: selon l'organisme d'audit du Congrès américain (Government of accountability office – GAO), la chaîne d'approvisionnement en matière d'équipements militaires est encore trop dépendante de sources étrangères. De quoi représenter un danger en matière de souveraineté, d'autant plus lorsque les matériaux ou les équipements proviennent de Chine, un pays avec lequel les rapports sont notoirement complexes et qui a imposé de drastiques restrictions en matière d'exportations de terres rares.

Pour construire des hélicoptères, des avions de combat, des navires de guerre ou des chars, le Pentagone dispose de plus de 200.000 fournisseurs en matière d'équipements et de composants militaires, mais il n'existe, selon le GAO, que "peu de visibilité sur l'origine de fabrication des pièces et matériaux utilisés".

De plus, il n'existerait pas de fabricants nationaux pour plus de la moitié des 99 matériaux critiques identifiés par le département américain de la Défense en 2023.

Aimants, sous-marins et puces électroniques

La dépendance à l'égard de la Chine est particulièrement critique pour la production d'aimants, qui sont aussi bien utilisés dans la production de voitures que d'avions de combat. La production du F-35 de Lockheed Martin a par exemple été stoppée pendant six mois en 2023-2024 après la découverte de ce composant d'origine chinoise, le temps d'identifier des fournisseurs alternatifs et de déterminer si ces pièces représentent un danger pour la sécurité.

Le Pentagone a récemment conclu un partenariat public-privé pour l'exploitation de terres rares sur le sol américain, et ainsi sécuriser la production d'aimants, avec un objectif de production de 10.000 tonnes par an à terme.

Les sous-marins sont également concernés par les difficultés d'approvisionnement: les États-Unis ne disposent que d'une seule et unique fonderie capable de produire de grandes quantités de titanium. Les constructeurs de sous-marins (à l'image de General Dynamics ou Northrop Grumman) dépendent donc encore largement de sources étrangères.

Quant aux composants microélectroniques, le sujet est connu: les plus grands producteurs se trouvent dans la région de l'Asie-Pacifique. Le Pentagone estime ainsi que 88% de la production et 98% de l'assemblage, du packaging et des tests sont réalisés hors du continent américain –principalement à Taïwan, en Corée du Sud et en Chine.

Restrictions d'exportation et hausse des prix

Alors que la Chine concentre plus de 60% de l'extraction de terres rares et domine la production mondiale d'autres minéraux critiques, tels que le gallium ou le germanium, utilisés notamment dans les composants électroniques, les restrictions d'exportation imposées par Pékin fragilisent l'industrie mondiale, explique le Wall Street Journal.

S'appuyant sur un logiciel développé pour des applications de défense, le WSJ évoque le nombre de 80.000 composants utilisés par le Pentagone constitués de minéraux critiques touchés par les restrictions chinoises.

Le média américain évoque une multiplication par cinq, voire plus, du prix de certains minéraux critiques pour l'industrie de défense. Une entreprise contactée par le WSJ évoque même un prix 60 fois plus élevé pour acheter du samarium, essentiel à la fabrication d'aimants capables de résister à la très forte chaleur des moteurs à combustion.

Selon des industriels interrogés par le média américain, la recherche d'alternatives aux ressources chinoises se heurte à des questions de coûts et de disponibilité, certains matériaux étant des "produits de niche", qu'il ne serait pas économiquement viable de produire.

La Chine a mis en place d'autres mesures qui compliquent la tâche des fournisseurs, en requérant des informations –parfois sensibles– sur l'utilisation qui sera faite des aimants et autres terres rares importées, pour s'assurer qu'il n'en sera pas fait d'usage à caractère militaire. Une équation qui complique considérablement la tâche des entreprises, en plus de représenter une menace en matière d'espionnage industriel.

Helen Chachaty