Dans un village du Maine-et-Loire, un conflit de voisinage menace une PME

Capture d'écran Google du lieu-dit Le Prieuré à Saint-Georges-des-Sept-Voies - Google
Une vieille église, quelques maisons et des champs à perte de vue. Le Prieuré, un hameau en pleine nature du Maine-et-Loire, est le théâtre d'un conflit entre un patron de PME et ses voisins.
Les habitants de ce lieu-dit appartenant à Gennes-Val-de-Loire, un regroupement de communes, se plaignent des allées et venues des camions vers Scandinavia Design. Une entreprise de vente de mobilier et de décoration installée dans le hameau depuis 2012.
Cette année-là, Martin Angel, co-fondateur de Scandinavia Design, décide d'acheter une partie d'un grand domaine ayant appartenu à Hermance Marchoux, également propriétaire de la Galerie Vivienne à Paris. Au XIXème siècle, elle lègue la bâtisse au département du Maine-et-Loire avec pour consigne d'en faire une ferme école.
En 2012, Martin Angel achète l'un des quatre lots mis en vente par le conseil général. "C'était à l'abandon depuis plusieurs années. Tout était en très mauvais état", nous raconte-t-il.
Un entrepreneur en achète un autre pour y construire des écolodges, des maisons en bois écologiques, et deux particuliers, un peintre et une plasticienne, acquièrent les deux autres.
"Ce lieu n'a jamais été un lieu de résidence mais toujours un lieu de travail. Ce fut une école, un centre de recherche agronomique... Quand nous l'avons acheté, nous étions une petite entreprise. Mais on a toujours dit que l'on s'en servirait comme d'un entrepôt", relate Martin Angel, qui précise avoir rencontré le maire, le conseil général et les voisins au moment de l'achat.
Chaque jour, "trois ou quatre camions" viennent transporter la marchandise, "uniquement la journée et jamais le week-end", affirme le patron de cette PME de 13 salariés.
Un groupe Facebook pour "appeler à l'aide"
Pour le voisinage, c'est déjà trop. Le désaccord est devenu une guerre judiciaire. Des habitants ont attaqué à plusieurs reprises l'entreprise, essayant de faire interdire le passage des camions.
Et ils savent se faire entendre. Ils ont créé un groupe Facebook destiné à tous les "amoureux du lieu-dit le Prieuré de Saint Georges des Sept Voies" désirant préserver cet écrin "dangereusement menacé". Il compte 101 membres.
Un profil, prenant le pseudo d'Hermance Marchoux, celle qui légua le lieu au département, est particulièrement actif et publie régulièrement des vidéos des allées et venues des camions, appelant "à l'aide". Contactée, cette personne n'a jamais répondu à nos sollicitations.
"Amazon dans une impasse"
La presse locale est alertée et dans le Courrier de l'Ouest, Murielle Crochet, plasticienne et voisine de l'entreprise, affirme être obligée "de travailler les fenêtres fermées", car ses "fils d'or ne supportent pas les poussières" dues au passage des camions. Tanguy Tolila, artiste peintre, dénonce: "ici, c'est Amazon dans une impasse avec une église du XIIème siècle".
Les voisins sont même allés jusqu'au Conseil d'Etat, contestant la déclaration préalable de travaux pour transformer le bâtiment en entrepôt. Ils ont été déboutés. La petite équipe a également perdu un procès pour trouble du voisinage.
"On peut en rigoler, mais ça fait cinq ans, on n'en peut plus", déplore Martin Angel. "Déménager, on y a pensé. Mais avoir un showroom pour montrer nos produits dans un endroit aussi beau que celui-ci, c'est un immense avantage pour notre entreprise. Sans compter que déménager nous coûterait plusieurs centaines de milliers d'euros".
Malgré leurs nombreuses déroutes judiciaires, les voisins ne veulent pas lâcher l'affaire. Un nouveau procès est en cours. Martin Angel comprend que les camions puissent déranger mais il affirme avoir prévenu les chauffeurs de faire attention. "C'est vrai que dans le silence un petit tintement de cuillère dérange", s'amuse le patron de la PME.