Mirapolis: l'histoire à rebondissements du premier parc d'attractions français tombé dans l'oubli

une vue aérienne du parc de mirapolis - TGV617- libre de droit
Nous sommes en 1987, la France connaît sa première cohabitation et se désaltère à grands verres de Tang lorsque Mirapolis ouvre ses portes. Planté dans la zone de Courdimanche, dans la ville nouvelle de Cergy-Pontoise, ce parc d’une cinquantaine d’hectares est dominé par une effigie de 30 mètres de haut de Gargantua, le protagoniste géant de l'œuvre de Rabelais. Le projet d’Anne Fourcade, l’architecte à l’initiative du projet, est d’ouvrir un parc d'attractions sur le modèle de ce que fait déjà Disney aux États-Unis, mais celui-ci sera dédié à la culture française.
Il y avait bien sûr des fêtes foraines avec des grandes roues dans l’Hexagone et même déjà un parc à thèmes avec La mer de sable, dans l'Oise, ouvert en 1963. Mais ce tout nouveau parc de Cergy se distingue par son ensemble d’attractions et possède des manèges uniques comme on pouvait en trouver alors de l’autre côté de l’Atlantique.

Dès les années 1980, Anne Fourcade a envie de lancer son projet de parc d'attractions français. Elle part aux États-Unis en 1982, carton à dessin sous le bras, pour faire des esquisses de ce qui deviendra plus tard Mirapolis.
À son retour en France qu’elle arrive à convaincre des investisseurs: en 1984, elle rencontre Gaith Pharaon, un riche homme d'affaires saoudien, qui accepte de financer et gérer une partie du parc. D’autres acteurs vont ensuite se greffer au projet: avec l’arrivée du Club Méditerranée et de la Caisse des dépôts et consignations, Mirapolis voit le jour le 20 mai 1987.
Le palais de Dame Tartine, la rivière des castors…
À ses débuts, le parc possède 25 attractions et est dans une première phase d'expansion. Contactée par BFM Business, Anne Fourcade indique que le travail de mise en place du parc a nécessité d’importants travaux: "Lorsque nous avons débuté le parc il a fallu tout mettre en place. Au début on pensait qu’on y arriverait pas, mais au final on a tout fini dans les 14 mois qui nous étaient impartis, sans dépassement de budget. On a même planté 3.000 arbres".
C’est alors le temps des attractions phares: le palais de Dame Tartine, la rivière des castors, la rivière des impressionnistes ou encore la ville d’Ys sont autant de noms qui évoquent de bons souvenirs à David Fremery, porte-parole de l’association des amis de Mirapolis, lancée en 2016, en même temps qu’une page Facebook et une chaîne YouTube. "J’ai passé des moments agréables dans toutes ces attractions. En créant cette association, nous voulions faire vivre la mémoire autour de Mirapolis et se remémorer l’aventure que fut ce parc", explique-t-il à BFM Business.
"Quand on allait dans les parcs d’attractions avant il y avait des bateaux pirates et des toboggans. Là avec Mirapolis, ils sont vraiment allés chercher des nouvelles technologies pour faire quelque chose de novateur."
"Mirapolis nous a permis d’essayer des choses nouvelles pour l’époque. L’arbre de vie du palais de Dame Tartine était composé d’une centaine de leds. Le géant Gargantua était non seulement le visage du parc mais également une attraction d’une hauteur de 30 mètres, ce qui était une prouesse. La ville d’Ys était creusée à 14 mètres sous le sol. Les premiers robots qu’on avait ont été faits avec des yeux et des peaux de greffe faits par un chirurgien. On n'avait jamais vu ça", se remémore Anne Fourcade.
"Nous avions du budget et nous voulions faire les choses bien."

"Il y a eu un choix, l’État s’est porté sur Disney"
Et la première année se passe bien. "Il nous fallait 600.000 visiteurs et ils ont été 800.000, donc c'était plutôt un succès", rappelle l'architecte du projet. LA promo fonctionne et le chanteur Carlos compose même une chanson pour le parc.
Mais les problèmes de gestion en interne et les prêts à rembourser vont mettre le projet en difficulté. Et l’arrivée programmée de Disneyland Paris (ouverture en 1992) signera réellement l’abandon des pouvoirs publics pour le parc d'attractions gargantuesque qui fermera ses portes en 1991.
"Il y a clairement eu un choix, l’État s’est porté sur Disney, ils ont eu beaucoup de subventions", regrette Anne Fourcade.
Les bâtiments sont alors détruits et les attractions revendues à d'autres parcs, comme Europa Park, en 1995. Le terrain de Mirapolis a longtemps été laissé à l’abandon et servira de territoire d’urbex pour les explorateurs urbains. "C’est dommage que certains visitent le parc sans nous demander, le territoire est devenu méconnaissable. S’ils rentraient en contact avec nous, on pourrait leur expliquer certaines choses, par exemple la manière dont étaient agencées les attractions", estime David Fremery.

Aujourd'hui, si les attractions ne sont plus là, la petite forêt en bordure de Cergy reste pourtant très active: un promoteur immobilier a repris l’ancien terrain de Mirapolis pour y construire des résidences étudiantes et des logements de tourisme. Quant aux anciens du parc, l’association des amis de Mirapolis veut leur rendre hommage et faire vivre leur mémoire, avec un livre ou une exposition.