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La fintech Klarna pouvait-elle encore se passer d'une convention collective pour ses salariés?

Logo Klarna lors d'une soirée POPSUGAR organisée à New York le 23 novembre 2019

Logo Klarna lors d'une soirée POPSUGAR organisée à New York le 23 novembre 2019 - ASTRID STAWIARZ / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

[AVIS D'EXPERT] Pour éviter une grève, Klarna a finalement signé un accord avec les syndicats sur une convention collective. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Cela aurait pu être une première sans doute: une jeune pousse en grève! Certes, compte tenu de son positionnement de leader international du paiement fractionné, Klarna ne peut plus être présentée comme une simple start-up. Mais créée à Stockholm en 2005, Klarna Bank AG est bien une fintech, une néo-banque et certainement l’une des plus en pointe.

Imposant un nouveau mode de financement et obligeant les établissements financiers à la suivre sur le terrain du paiement fractionné, Klarna fut ainsi l’une des premières fintechs à atteindre un niveau de valorisation égalant ou dépassant celui des plus grandes banques traditionnelles et, conséquemment, l’une des premières et l’une de plus touchées par le moindre appétit des investisseurs conditionné par la hausse des taux. Sa valorisation s’est rapidement effondrée.

Se restructurant rapidement en conséquence, Klarna a également développé avec succès sa propre galerie marchande en ligne, innovante et personnalisée, pour promouvoir ses solutions de financement. Elle est devenue ainsi la première fintech à réussir une diversification d’activité à une aussi large échelle, ce qui la positionne encore une fois en pointe des applis financières mobiles, offrant de nouveaux usages, des expériences de vie renforcées.

En Suède, Klarna a cependant évité de justesse une grève le 7 novembre dernier. Il était reproché à la direction générale de se dérober, depuis huit mois, pour ne pas signer une convention collective. Or, la Direction de Klarna ne s’en cachait pas: elle hésitait.

Il lui était en effet difficile de savoir si cette réclamation des syndicats était largement partagée parmi ses 2.000 employés suédois. D’ailleurs, un autre syndicat présent dans l’entreprise ne souhaitait pas cette grève. Face à la pression, Klarna a finalement accepté de signer un accord avec les syndicats pour une convention collective.

Un besoin de réactivité

Derrière ces hésitations, la direction de Klarna se demandait si les dispositions classiques d’une convention collective – conditions et horaires de travail, vacances, sécurité de l’emploi – ne risquent pas de compromettre la réactivité des décisions et l’élan d’agilité qui sont plus que jamais indispensables au bon fonctionnement d’une fintech. De sorte qu’encore une fois, Klarna semble bien à la pointe d’une problématique générale.

Tant que les investisseurs levaient facilement des fonds et en faisaient profiter les jeunes pousses, un discours dominant mais un peu béat laissait croire que celles-ci se développent sous un mode essentiellement participatif et collaboratif. Dans un contexte plus difficile, les discours sont désormais plus réalistes. La réactivité commande des ajustements rapides. Les impulsions du management doivent rapidement mobiliser.

D’un autre côté, les entreprises de l’innovation et de la tech sont devenues trop nombreuses et représentent un secteur désormais trop important (on parle d’un million d’emplois en France) pour cultiver un statut d’exception. En Suède, comme en France, 90% des salariés bénéficient d’une convention collective. Pourquoi pas les collaborateurs de Klarna?

Les enjeux ne sont certainement pas minces. Face à une réglementation du travail jugée trop rigide, une entreprise innovante comme Klarna pourrait facilement privilégier le recours à des services extérieurs éventuellement délocalisés ou à des solutions d’intelligence artificielle plutôt que des créations d’emplois. Elle ne serait sûrement pas la seule.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor