Après le fiasco des plis électoraux, Adrexo change de stratégie pour rebondir

Gilets jaunes, Covid, prestation électorale chaotique au printemps... Le distributeur Adrexo, en difficulté chronique, va se réorganiser et déserter progressivement la livraison traditionnelle d'imprimés publicitaires. La direction se veut rassurante mais les salariés redoutent une vaste restructuration.
Le distributeur aux 15.000 salariés, qui avait pour la première fois remporté un marché de distribution de propagande électorale, a défrayé la chronique en juin en se montrant partiellement incapable de tenir ses engagements.
Vécu en interne comme un énième traumatisme, cet épisode a servi de "déclencheur" pour l'actionnaire et co-président Éric Paumier, qui vient d'annoncer une nouvelle gouvernance et une nouvelle stratégie.
Conséquences sociales
Le spécialiste de la livraison d'imprimés publicitaires de la grande distribution, confronté à l'érosion de son métier traditionnel, va désormais privilégier trois branches distinctes: courrier et publicité numérique, colis (une activité initiée il y a 2 ans et demi), courses alimentaires (activité lancée début 2021).
Une réorganisation qui ne sera pas sans conséquences pour les 14.000 distributeurs, majoritairement à temps partiel, 1.000 chauffeurs/livreurs et quelques centaines de spécialistes du drive alimentaire.
"Le patron veut changer le fonctionnement avec des retraités, des femmes au foyer et des étudiants qui travaillent en moyenne 13 heures par semaine", explique Philippe Viroulet, délégué syndical central CAT, majoritaire dans l'entreprise, pour passer "progressivement à des temps pleins de 26 heures en moyenne".
Les élus ont fait leur calculs: si 14.000 distributeurs de prospectus à temps partiel basculent à temps plein, même si 3.000 sont réorientés vers le colis et le drive, plus rentables, plusieurs milliers d'entre eux sont menacés.
"C'est un plan social qui ne dit pas son nom, assure José Miranda, secrétaire CSE-CGC du CSE. L'actionnaire veut professionnaliser le métier". Mais, ajoute-t-il, "il faudrait déjà le rendre attractif".
"Le projet à deux-trois ans que j'ai présenté n'est pas un découpage, une vente, voire un dépôt de bilan par morceau", répond Éric Paumier en assurant qu'aucun PSE n'est prévu. "Je ne suis pas inquiet", dit-il, reconnaissant comprendre "qu'on puisse l'être quand on voit baisser son métier historique et qu'on ne sait pas de quoi sera fait l'avenir".
Des milliers de salariés concernés
Pour atteindre ses objectifs, l'actionnaire, qui a repris récemment la direction générale d'Adrexo, mise notamment sur le turn-over naturel des distributeurs qui concerne actuellement "entre 500 et 1.000 personnes par mois".
Rassurant, il vante également l'avenir des "métiers du dernier kilomètre", en promettant l'ouverture d'un centre de formation spécialisé en 2022. Il avance en outre le modèle social d'Adrexo, qui salarie ses employés, comme parade à "l'ubérisation" massive dans ce secteur.
Favorable aux passerelles entre les différentes entités, il précise que la moitié des 1.000 livreurs de colis proviennent de l'Imprimé Publicitaire, qui représentait 100% de l'activité en 2017 mais moins de 60% aujourd'hui.
Alors que les pertes d'Adrexo sont remontées en 2020 à 40 millions d'euros et que Hopps Group, la holding créée en 2017 - avec notamment le très rentable Colis Privé - doit rembourser 180 millions d'euros d'ici 2023, M. Paumier annonce également d'ici la fin d'année l'introduction en Bourse de cette filiale en bonne santé afin notamment de désendetter le groupe.
Image dégradée
Autant d'arguments qui ne convainquent pas les représentants du personnel. "L'entreprise a perdu argent et perspectives d'avenir. Son image est dégradée", regrette M. Viroullet qui annonce avoir posé "un droit d'alerte".
La stratégie et la méthode employée interrogent également le secrétaire du CSE. "La livraison de colis aux particuliers n'est pas rentable, assure-t-il. Pourquoi UPS livre le particulier? Car il fait aussi les pros et ça devient rentable. Amazon aussi livre les particuliers car il en profite pour écouler ses produits".
Pêle-mêle, M. Miranda déplore la perte de la culture d'entreprise causée par le large remaniement managérial, un manque de transparence de dirigeants sur l'avenir de l'emploi ou encore l'absence de consultation des élus du personnel.
La réalisation du marché qui a provoqué la polémique des plis électoraux a également selon lui majoritairement été placée entre les mains d'intérimaires manquant d'expérience, quand il eut été plus judicieux de le confier aux distributeurs maison connaissant chacun parfaitement leur secteur.