BFM Business
Entreprises

Alerte à la souveraineté: les entreprises du CAC 40 sont de moins en moins françaises

placeholder video
Peu d’actionnaires français, une gouvernance de plus en plus internationale et une recherche délocalisée à l’étranger… Dans son palmarès 2023 sur la souveraineté économique, le cabinet d’intelligence économique Vélite met en avant les failles au maintien de la souveraineté économique française.

Luxe, automobile, énergie… Beaucoup d’entreprises du CAC 40 se retrouvent parmi les leaders mondiaux de leur secteur, s'imposent à l’international et font rayonner l’image de la France. Mais si ces entreprises font la fierté de l'Hexagone, elles sont de moins en moins françaises dans leur fonctionnement et leur gouvernance.

C’est ce que pointe le baromètre du cabinet Vélite, publié chaque année et qui classe les entreprises selon leur contribution à la puissance économique française. Selon les dernières données, la souveraineté française apparaît menacée dans certaines entreprises, parfois stratégiques.

Trop peu de dirigeants français

Le grand champion de la souveraineté est, cette année encore, Safran. C’est sans surprise qu’une entreprise de la défense réunit les critères d’innovation, d’expansion et de rayonnement, mais aussi de protection et d’indépendance listés par le cabinet Vélite.

De fait, un des critères essentiels de cette étude est l’indépendance des entreprises, leur capacité à se défendre face à un environnement mondial conquérant. Or, peu d’entreprises françaises pourraient échapper à une prise de contrôle étrangère, selon le rapport.

"Les entreprises du CAC 40 sont dramatiquement mal contrôlées, avec peu d’actionnariat français et une forte vulnérabilité aux OPA. Pour cette raison, elles sont aussi moins capables de mener une stratégie sur le long terme", alerte Pierre-Marie de Berny, fondateur du cabinet Vélite.

Ainsi, 13 des 40 entreprises de l’indice de la Bourse de Paris sont dirigées par un président ou directeur général non français. Et pour certaines entreprises, la présence française dans les comités de direction et conseils d’administration est en baisse par rapport à l’an dernier (67% contre 69% en 2022).

On note ainsi une forte diminution de représentants tricolores au sein de la direction de Danone, Schneider Electric, Eurofins, Capgeminin et Stellantis. Les Français y sont devenus minoritaires au sein du comité exécutif. Ce qui peut avoir un impact en termes de prise de décision, explique le rapport: "par souci patriotique, un organe de gouvernance majoritairement français sera plus à même de soutenir un acteur national".

L’utopie de la souveraineté technologique

Autre signal négatif souligné par le cabinet Vélite, faute de champions du numérique, la France se retrouve très dépendante sur le plan technologique.

"La France est une quasi-colonie en matière de dépendance aux données. Vouloir une indépendance rapide est illusoire à cause du retard pris jusqu’alors dans le hardware", souligne Pierre-Marie de Berny.

Et le rapport de faire le lien avec Numspot, l’initiative française pour un hébergement de données souverain, qui n’est soutenue par "aucune entreprise du CAC 40 au sein desquelles les Français sont minoritaires". Numspot est en fait le fruit d’une collaboration entre Bouygues et Dassault Systèmes, deux groupes qui figurent dans les meilleurs élèves du baromètre Vélite.

Pire encore est la situation du spécialiste des semi-conducteurs STMicroelectronics. Certes, l’entreprise est franco-italienne -fruit du rapprochement de Thomson et de SGS– et son siège social est basé en Suisse, près de Genève, mais son actionnariat français est faible (13%) et sa recherche se fait majoritairement en Asie. Fait plus symbolique mais parlant: Vélite note l’abandon de la langue française sur le site internet et les documents officiels de l'entreprise.

Et même la construction d’une nouvelle fonderie à Crolles, en Isère, est un point d’alerte, comme l'a souligné l’ancien ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, présent lors de la présentation du rapport. En effet, le site sera exploité en partenariat avec l’américain Global Foundries. Un partenaire dont les principes d’extraterritorialité peuvent être dérangeants.

Par Aude Kersulec, avec C.L.