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"Les épis sont vides": les céréaliers français craignent de mauvaises récoltes, plombées par la pluie

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Les producteurs de céréales s'inquiètent de la mauvaise récolte qui se profile en France, chahutée par les pluies abondantes et le manque d'ensoleillement.

Plombées par une saison pluvieuse, les moissons s'annoncent mauvaises pour les céréaliers français. Les abondantes pluies, accrochées au-dessus de l'Hexagone depuis l'automne dernier, ont retardé voire empêché les semis de céréales, favorisant en même temps la prolifération des maladies et des mauvaises herbes. Le manque d'ensoleillement, lui, a ensuite entravé le développement des plantes. S'il faudra encore attendre la fin des moissons pour dresser un bilan définitif, les producteurs ne cachent pas leur amertume face à une récolte qui s'annonce bien mauvaise.

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Lors d'un déplacement lundi dernier sur une exploitation céréalière en Eure-et-Loir, le ministre démissionnaire de l'Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré que la production céréalière pourrait baisser de "10% à 20%" par rapport à l'année précédente. Certaines régions, comme les Pays-de-la-Loire ou la Nouvelle-Aquitaine, sont particulièrement touchées. Selon l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), la récolte de blé tendre, principale production française, pourrait descendre jusqu'à 26 millions de tonnes en 2024, contre 36 millions en moyenne sur les années précédentes.

Des épis de blé "vides"

Les rendements sont mauvais. "Les épis de blé semblaient beaux", mais "dans le champ, plein d'entre eux étaient vides ou remplis à seulement 40-50%", a déploré Éric Genty auprès de l'AFP. Pour le producteur de céréales, qui recevait le ministre de l'Agriculture sur ses terres, la moisson sera "pire que celle de 2016", une année souvent citée en exemple d'une mauvaise saison. Dans les champs de son exploitation de la Beauce, un expert a récemment estimé que son blé dur donnerait 4,2 tonnes par hectare, contre 7,5 en moyenne, et son blé tendre 6 tonnes, contre 8,5 habituellement.

Pour l'heure, les pluies empêchent encore régulièrement les moissonneuses-batteuses de s'activer dans les champs, ce qui rend difficile toute estimation claire des récoltes. Avec un peu moins de la moitié du blé qui reste encore à récolter, "on attend de voir si les blés des régions plus tardives vont redresser un peu la barre ou non", explique Sébastien Poncelet, spécialiste du marché des céréales pour Argus Media, auprès de l'AFP. Mais si les pires scénarios se confirment à la fin de la saison, la moisson 2024 serait la moins abondante depuis les années 1980.

Le gouvernement pourrait activer des dispositifs d'aides exceptionnelles si les moissons se révèlent vraiment mauvaises – bien qu'il ne puisse gérer que les affaires courantes pour le moment. "On peut commencer des discussions avec un certain nombre d'instances pour que ceux et celles qui auront la charge de suivre les questions agricoles — et on verra qui — aient les choses prêtes pour la rentrée", a indiqué Marc Fesneau. Plusieurs pistes sont étudiées par le ministère, comme une mobilisation de l'assurance récolte ou un dégrèvement de taxe sur le foncier non bâti (TFNB).

"Des promesses faites"

Le patron de la FNSEA, premier syndicat agricole en France, a donné rendez-vous la semaine prochaine au gouvernement pour les premières mesures, prévenant qu'il ne fallait pas venir "les mains vides". "La mauvaise récolte dans une vie de paysans, ça arrive", a souligné Arnaud Rousseau, pour qui "il faut maintenant avoir assez de trésorerie" pour pouvoir semer la prochaine saison. Mais, a-t-il rappelé, "des promesses ont été faites" lors de la crise agricole et "n'ont pas abouti", sur le projet de loi agricole par exemple, dont l'examen au Parlement a été suspendu par la dissolution.

La Coordination rurale, de son côté, réclame la convocation d'une réunion de crise dans chaque département. Le syndicat plaide également pour une "année blanche de cotisations MSA" (organisme qui gère la sécurité sociale des agriculteurs) et une "année blanche au niveau des banques".

Jérémy Bruno avec AFP Journaliste BFMTV