ÉDITO. Mercosur, les mensonges de l’État français

Ce serait une honte que les Français, qui ont tant critiqué l'accord de libre-échange avec le Mercosur, fassent capoter un texte dont nos agriculteurs et nos viticulteurs ont tant besoin, tout ça pour de basses raisons de politique intérieure.
Car il faut être clair: si nos politiques sont partis en guerre contre le Mercosur, c’est d'abord et avant tout par peur d’attiser la colère des agriculteurs français. Des agriculteurs eux-mêmes très remontés d’abord et avant tout contre la lourdeur administrative de l’État français.
Dans cette affaire, le Mercosur n’est qu’une victime expiatoire des politiques agricoles catastrophiques mise en place en France depuis des décennies, qui sont les vraies raisons pour lesquelles les agriculteurs souffrent aujourd’hui.
Mensonges d'État
Pour cacher cette vérité qui dérange, l’État français a tenté, avec succès il faut bien le reconnaître, de détourner les regards de l'opinion publique en multipliant les mensonges.
Non, il n’y aura pas de déferlement de bœufs aux hormones puisqu’il est interdit en Europe depuis 1989. Oui, il y aura bien des contrôles, comme il y en a eu pas plus tard qu’en octobre sur des génisses brésiliennes qui sont retournées illico au pays.
Non, Ursula von der Leyen n’est pas allée en Amérique latine dans le dos des Français. Car oui, elle a informé quotidiennement l’Elysée de ses intentions. L'accord politique scellé vendredi en Uruguay était un objectif affiché et assumé depuis des mois.
Et non, la Pologne et l’Italie ne voteront probablement pas contre l’accord. Parce qu’en Italie, Forza Italia défend l’accord et Giorgia Meloni, qui entretient les meilleures relations avec Ursula von der Leyen, sait que l’Italie a d’énormes intérêts, notamment agricoles, en Amérique latine.
Idem pour la Pologne, où le Premier ministre Donald Tusk, pro libre-échange, a caressé dans le sens du poil le Parti paysan et les lobbys de la viande très inquiets surtout de la concurrence ukrainienne, le tout dans un calendrier électoral particulier, à savoir l'élection présidentielle de 2025. L'accord avec le Mercosur sera soumis aux États membres après l'élection, on verra ce qu’en dit alors l'exécutif polonais.
Quid des craintes sur l’impact environnemental de cet accord?
C’est peut-être la plus grande manipulation. La France, comme l’Italie ou la Pologne, ont tous dit qu’ils s’opposaient au texte "en l’état", c’est-à-dire, en réalité, et sans jamais l'avouer, sur la base du texte de 2019. Une antiquité.
Or, selon nos informations, l’Union européenne a obtenu satisfaction sur quasiment tous les points soulevés par Paris. Notamment sur la préservation de l'accord de Paris qui devra être respecté sous peine d'exclusion du marché des pays qui s'en exonéreraient, ainsi que la déforestation qui sera protégée juridiquement.
La signature de l’accord est quasiment acquise et tant mieux, car il est bon pour la France y compris pour son agriculture. Mais ne nous nous trompons pas, les maux franco-français de la crise agricole, eux, demeureront, puisqu'ils viennent de l'intérieur. Certainement pas du Brésil ou de l'Argentine.