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Bruxelles a "ouvert" le ciel européen à Qatar Airways depuis 2021: les patrons d'Air France-KLM et de Lufthansa s'unissent pour dénoncer "un véritable scandale"

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Carsten Spohr s'accorde également avec Benjamin Smith sur la question des distorsions de concurrence avec des compagnies non-européennes, nées de contraintes réglementaires, notamment l'incorporation de carburant non-fossile dans les réservoirs des appareils.

Air France-KLM et Lufthansa ont mis de côté leur rivalité pour dénoncer lundi l'accord controversé de "ciel ouvert" entre l'Union européenne et le Qatar, et réclamer de Bruxelles une facilitation de la consolidation du secteur aérien. Dans un rare entretien conjoint, accordé au quotidien économique français Les Echos et au journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, le directeur général d'Air France-KLM Benjamin Smith et le PDG du groupe Lufthansa Carsten Spohr ont réitéré des demandes de l'association Airlines for Europe (A4E), lobby européen de l'aérien.

Ils s'en sont en particulier pris à l'accord ouvrant le ciel européen à Qatar Airways, entré en vigueur fin 2021, qui "aggrave considérablement notre situation" selon Benjamin Smith.

"Les soupçons de corruption sont de notoriété publique. Et le fait que cet accord n'ait pas été annulé ou au moins suspendu est, à nos yeux, un véritable scandale !", a poursuivi le dirigeant du groupe franco-néerlandais.

Dans l'affaire dite du "Qatargate", qui a éclaté fin 2022 et mené à 20 inculpations, la justice belge enquête sur des cadeaux et versements en liquide dont sont soupçonnés le Qatar et le Maroc pour lisser leur image au sein du Parlement européen. Doha et Rabat nient toute corruption.

"Je déteste quand Ben rachète une compagnie aérienne"

Pour Carsten Spohr, "cet accord contribue à générer des émissions de CO2 supplémentaires" et "supprime des emplois dans les hubs (plateformes de correspondance, NDLR) européens pour en créer dans des pays qui ne partagent pas notre conception de la Sécurité sociale et des normes sociales".

"Nous n'avons pas besoin d'aide, ni de protectionnisme. Nous demandons simplement qu'on ne nous désavantage pas, comme c'est le cas actuellement", a ajouté le dirigeant allemand.

Il a également dit son accord avec Benjamin Smith sur la question des distorsions de concurrence avec des compagnies non-européennes, nées de contraintes réglementaires, notamment l'incorporation de carburant non-fossile dans les réservoirs des appareils.

Les deux dirigeants se disputent des passagers mais aussi des compagnies aériennes européennes indépendantes qu'ils souhaitent agréger. Lufthansa a mis la main sur l'italien ITA, Air France-KLM est en train d'acquérir le scandinave SAS et toutes deux lorgnent le portugais TAP. Alors que Bruxelles a récemment bloqué certaines opérations de consolidation au nom de la préservation de la concurrence, Benjamin Smith a exhorté les autorités européennes à soutenir "la création de champions européens mondiaux".

"Je déteste quand Ben rachète une compagnie aérienne, mais j'estime qu'au final, la consolidation crée une situation gagnant-gagnant", a renchéri Cartsen Spohr.
TT avec AFP