14-Juillet: entre annulations et interdictions, les professionnels de l'artifice s'inquiètent

La fête nationale s'annonce en demi-teinte pour Pyragric Nord-Est. Chez cette entreprise spécialiste des spectacles pyrotechniques, installée à Reichstett (Bas-Rhin), les deux tiers des prestations de feu d’artifice prévues pour le 13 ou le 14 juillet ont été annulées. Or c’est une des périodes d’activité les plus importantes pour le secteur. “Nous réalisons 80% de notre chiffre d’affaires sur le 14-Juillet”, précise Christian Trapon, gérant de Pyragric Nord-Est.
Cette année, Strasbourg et d'autres petites communes de l'Est ont en effet préféré annuler leurs festivités. En cause, des épisodes de sécheresse qui rendent le risque d’incendie plus important. C’est en tout cas ce qu’a considéré la préfecture du Bas-Rhin la semaine dernière dans une lettre envoyée aux collectivités du département. Même si aucune interdiction des feux d’artifice ne s'applique, la préfecture ne recommande pas d’en lancer cette année.
Un message que les professionnels du secteur ne comprennent pas.
“Il y a des zones plus à risque à côté de lieux arborés par exemple, concède Romain Schonfeld, directeur général de Pyragric, au niveau national. Mais sur un plan d’eau, où est le risque?”.
Pour lui, il faudrait plutôt arbitrer au cas par cas. D’autant que le protocole le permettrait. “L’environnement est connu des autorités publiques en amont puisqu’on déclare un mois avant la date du spectacle à la préfecture, la localisation etc”, indique-t-il.
Mercredi, la vague de chaleur a poussé plusieurs villes d'Ile-de-France, comme Villeparisis, Chelles ou encore Savigny-sur-Orge à annuler elles aussi leurs feux d'artifice.
Des collectivités forcées à payer quand même
Si les professionnels concernés par ces annulations devront financer et organiser le transport et le stockage des artifices, leurs pertes financières seront amorties par les conditions générales de leurs contrats.
"Les collectivités qui prennent la décision d’annuler devront tout de même payer 50% de la facture en raison des coûts engagés en amont par notre entreprise", indique Christian Trapon.
Mais la vague de chaleur et le risque de sécheresse qui l’accompagne par endroit ne sont pas les seuls freins au maintien de ces festivités. Les émeutes récentes liées à la mort de Nahel laissent aussi craindre l'éclatement de heurts. Le détournement d'artifices de divertissement comme des chandelles romaines inquiète particulièrement les autorités.
Une interdiction qui passe mal
C’est ce qui a mené la municipalité de Montargis, notamment, à annuler ses festivités du 14 juillet. Pour les mêmes raisons, la ville de Torcy, quant à elle, a préféré les repousser à la fin de l'année.
Face à ce risque de violences, le gouvernement a pris un décret interdisant notamment l’usage de tous les artifices de divertissement.
"Afin de prévenir les risques de troubles graves à l’ordre public au cours des festivités du 14 juillet, sont interdits jusqu’au 15 juillet inclus la vente, le port, le transport et l’utilisation d’articles pyrotechniques et artifices de divertissement sur l’ensemble du territoire national", indique l'arrêté.
Si cette disposition ne concerne pas l'usage professionnel, les magasins de distributions vont en pâtir, tout comme les fabricants qui les fournissent. "Nous avons déjà livré l’ensemble de nos clients”, explique Romain Schonfeld, le patron de Pyragric qui fabrique aussi des artifices de divertissement, en plus de fournir des prestations de pyrotechnie. Mais les magasins, eux, devront fermer leurs rayons et ainsi réduire leur chiffre d’affaires à cette période-clé de l’année. "Pour les fabricants comme Pyragric, cela entraînera des reprises de stock et des surcoûts”, déplore le dirigeant.
"Un boulevard pour les réseaux illégaux"
De manière générale, le directeur regrette que l’on stigmatise les artificiers. “L’image de la profession va encore en pâtir, dénonce-t-il, alors que la plupart des feux d’artifice et en particulier des chandelles romaines détournées seront achetées sur internet ou auprès de trafiquants".
Ces produits "représentent à peine 1% des produits vendus par les artificiers français aux particuliers", se défendent les professionnels de l’artifice dans un communiqué commun diffusé le 11 juillet.
Cette interdiction pourrait même avoir l’effet inverse et créer “un boulevard pour les réseaux illégaux" vers lesquels "de nombreux consommateurs se sont tournés de manière croissante ces derniers temps, renforçant par leurs achats les trafiquants et leur activité”. Résultat: “des produits encore plus dangereux et de mauvaise qualité envahiront les marchés”.