Veolia : un salarié licencié pour avoir refusé de couper l’eau à des familles

Selon Veolia-Eau, environ 500 personnes ferait l’objet chaque année de coupure d’eau dans une ville comme Avignon - -
La douche froide. Marc, qui refusait depuis 2006 de couper l’eau à des usagers qualifiés de « mauvais payeurs » par la direction de Veolia-Eau à Avignon, a été licencié. Salarié de l’entreprise depuis une vingtaine d’années, l'homme de 48 ans a entamé une procédure devant les Prud’hommes pour contester son licenciement.
En France, la procédure de coupure de l’eau est très encadrée, mais cette affaire met le doigt sur les "oubliés" du système.
« On coupe l’eau à des gens qui n’ont pas les moyens de la payer »
RMC a rencontré le directeur régional de Veolia-Eau à Avignon. Bruno Chaloin fait une différence entre les personnes défavorisées et les « mauvais payeurs » qui se voient selon lui couper l’eau : « ces opérations sont réalisées auprès des personnes en impayé, mais elles ne concernent pas les personnes qui relèvent de l’aide sociale, puisque ces dernières, en amont, font l’objet de contact avec les assistantes sociales de façon à établir des échéanciers de paiement et mettre en place des dispositifs d’aide ».
Un raisonnement « à la fois vrai et faux » nuance Thierry Lapoirie, secrétaire général de la CGT Vaucluse : « il faut que les gens fassent ces démarches. Souvent, ces familles-là sont dans un tel désarroi qu’elles n’y pensent pas. On se retrouve encore à couper l’eau à des gens qui n’ont pas les moyens de la payer ».
« Que la direction trouve d’autres méthodes »
« Gêné dans [son] intégrité personnelle », le salarié licencié évoque ses conditions de travail : « couper l’eau, ce n’est pas moi, ça me pose un problème moral. Vous voyez des gens qui n’ont pas d’argent, qui ont des problèmes comme tout le monde, et vous voyez aussi beaucoup de misère. Mon boulot, c’était d’aller là-bas, couper l’eau, et ne pas discuter », raconte Marc, avant de décrire des rapports avec les usagers « houleux » qui l’ont conduit à refuser les ordres de sa direction. « Les gens se retournaient contre moi parce que je représentais Veolia. Ils croyaient que je mettais l’argent dans ma poche […] On se faisait insulter, ça arrivait qu’on me crache dessus. Une fois, un client m’a reconnu quand je faisais mes courses avec mes enfants, et qui m’a traité de voleur ». Le quadragénaire évoque la dernière réunion à laquelle il a participé avec sa direction : « c’était ‘vous coupez, il faut éliminer les impayés chroniques’, l’idée c’est de faire des exemples, mais ce n’est pas à moi de le faire. Que la direction trouve d’autres méthodes, passer par des huissiers ou des tribunaux » avance-t-il avant de conclure : « quand je disais ‘non’, ma conscience était tranquille ».
Selon Veolia-Eau, environ 500 personnes ferait l’objet chaque année de coupure d’eau dans une ville comme Avignon qui compte 45 000 foyers abonnés.