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Emploi

Renault : sacrifices demandés aux salariés… et à Carlos Ghosn

Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg proposent que Carlos Ghosn, le patron de Renault, baisse son salaire en période de crise

Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg proposent que Carlos Ghosn, le patron de Renault, baisse son salaire en période de crise - -

Chez Renault, syndicats et direction négocient l’accord de flexibilité pour éviter les licenciements, en échange de sacrifices des salariés. Les représentants des salariés demandent à Carlos Ghosn de faire aussi un effort.

Pendant que les syndicats de Peugeot retrouvent leur direction pour parler plan de sauvegarde de l'emploi et fermeture du site d'Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, chez Renault, on discute accord de compétitivité. Pour garantir qu’il n’y aura ni licenciement sec, ni fermeture de site, la direction du constructeur automobile demande aux syndicats d’accepter certaines mesures : gel des salaires en 2013, mobilité imposée, et 8 260 suppressions de postes d'ici 2016.
Les syndicats, qui dénoncent un chantage, prévoient de débrayer sur certains sites, notamment à Flins, dans les Yvelines. Du côté de l'Etat, actionnaire à 15%, le ministre de l'Economie Pierre Moscovici demande à Carlos Ghosn, le PDG du groupe, de faire un effort sur son salaire dans ce contexte difficile. Une demande « pas absurde » selon le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg.

« Indécent et révoltant »

Pour Fabien Gâche, délégué central CGT chez Renault, un effort de Carlos Ghosn est « un impératif » dans une telle période de difficulté. « C’est quand même indécent d’avoir de tels salaires, au point que certains s’interrogent : "que peut-on faire avec autant d’argent pendant que d’autres n’ont pas de quoi se nourrir ou se loger ?". C’est d’autant plus indécent que le même personnage n’hésite pas à considérer que les salariés doivent continuer à se serrer la ceinture, et à travailler dans des conditions de plus en plus épouvantables. Je pense que c’est indécent et révoltant ».

« Ce n’est pas le sujet central »

Faux problème, lui répond Christian Saint-Etienne, professeur d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers, pour qui on cherche tout simplement un bouc-émissaire. « Ce n’est pas le sujet central. On sait que depuis 15 ans, la France est convaincue qu’on est sorti de l’industrie, alors qu’en fait on est rentré dans la troisième révolution industrielle. Et plutôt que de reconnaître que ce sont les élites françaises qui se plantent depuis une quinzaine d’années dans la direction dans laquelle le pays doit aller, on s’en prend nommément à des personnes, pour essayer de rejeter la faute sur d’autres. C’est assez pitoyable ».

« La flexibilité sans la carotte »

Pour Maurice, 57 ans et qui travaille chez Renault depuis 38 ans, il faut arrêter de trop en demander aux salariés. Il fait partie de ces centaines d’employés qui ont accepté, il y a 18 mois, de changer d'usine pour garder leur travail. Venu de Sandouville, en Normandie, il est aujourd'hui dans un mobile-home à Flins, dans les Yvelines. Mais le fait que la direction veuille imposer cette mobilité à tous et à moindre frais le révolte. « Vivre dans un mobile-home, ce n’est pas une vie, c’est inhumain presque ! On a commencé dans un mobile-home où on vivait avec des souris ». S’il considère qu’il n’a pas à se plaindre, il craint que l’extension de la mesure ne soit beaucoup moins profitable aux autres. « Là, on fait ce sacrifice, mais derrière, on est récompensé pécuniairement, j’ai fait plein de travaux chez moi que je n’aurais peut-être pu jamais faire, ou alors à long terme. On nous donne quand même des indemnités journalières pour être dans cette situation, mais qu’on ne nous dise pas qu’on va nous les supprimer, c’est inadmissible. On va te demander d’aller travailler à 160 km de chez toi, pour gagner quoi ? Un Smic ? C’est n’importe quoi. Aujourd’hui, on demande de la flexibilité, mais sans la carotte, ce n’est pas normal ».

Mathias Chaillot avec Amélie Rosique