Quelle augmentation de salaire demander cette année à son employeur?

Face à l'inflation galopante, les entreprises ont massivement actionné le levier des augmentations. En 2023, elles ont atteint des "niveaux inédits" selon une étude du cabinet Deloitte publiée fin août avec +4,5% en moyenne tous secteurs confondus dont +4,6% pour les ouvriers et employés du fait des hausses successives du Smic et de 4,0% pour les cadres (+2,1 points sur un an). De quoi compenser en partie l'inflation qui devrait se hisser à 5% cette année, selon l'Insee.
Ces niveaux sont exceptionnels: les salaires n'ont augmenté que de 0,6% en moyenne par an entre 1996 et 2018, selon l'Insee, avec une inflation moyenne de 2%. Surtout, "96% des entreprises ont versé des budgets d'augmentation supérieurs à 2%", souligne Deloitte.
Alors que débutent les négociations annuelles dans les entreprises (NAO) sur les hausses de salaire pour l'an prochain grâce à de nombreuses clauses de revoyure, dans un contexte qui va rester inflationniste, à quoi peut-on prétendre?
Sur BFM Business, Laurent Blanchard, du cabinet PageGroup, dit tabler sur une hausse moyenne des salaires de 3,5 à 4% en 2024, "des augmentations qui toucheront l'ensemble des populations, qu'on parle des cadres ou des non-cadres".
Une prévision en ligne avec celle de la Banque de France. "Nous attendons une augmentation moyenne des salaires autour de 4%, indiquait le gouverneur François Villeroy de Galhau" le 19 septembre sur BFMTV. Ou encore avec celle de WTW qui table sur +3,9%.
Même tendance pour le cabinet Alixio qui table sur des enveloppes en augmentation de 3,8%. Mais "si l'inflation reste là où elle est, les entreprises vont se retrouver à devoir aller au-dessus de 3,8% et probablement tangenter vers 4%", complète Philippe Vivien, directeur général d'Alixio, sur BFM Business.
Attention aux incertitudes conjoncturelles
Mais pour certains experts, le ralentissement conjoncturel pourrait limiter les augmentations à venir. "Qui dit "ralentissement marqué" dit "destruction d'emplois et augmentation du chômage", auquel cas le rapport de force changerait "en défaveur des salariés", note l'économiste Éric Heyer, directeur du département analyses et prévisions de l’OFCE.
La Banque de France table en effet sur un taux de chômage "vers les" 8% en 2024 contre 7,2% aujourd'hui.
"Le marché se tend, les incertitudes économiques se multiplient, l'euphorie des augmentations va légèrement être freinée, les entreprises ne pourront pas augmenter les salaires comme en 2023", nous confirme Yamina Moukah, chasseuse de têtes et fondatrice de l'agence Cherche Susan.
Le conseil serait donc de ne pas trop tarder pour demander une augmentation. Mais pour Laurent Blanchard, de PageGroup si le taux de chômage est supérieur à 7% pour l'ensemble de la population, il "est plutôt à 4%", dans les métiers qualifiés, pour lesquels les entreprises sont prêtes à accorder des augmentations importantes afin de fidéliser des salariés.
Un objectif crucial dans de nombreuses entreprises confrontées à des pénuries de talents et à des candidats de plus en plus exigeants. Dans les secteurs en tension, la donne est donc évidemment différente pour les salariés qui négocient des augmentations ou qui cherchent à changer d'entreprise. Des salariés qui restent en position de force.
"Il y a des ressources très compliquées à trouver, notamment dans le top management. Les entreprises pourraient concentrer les augmentations sur les populations stratégiques, ceux qu'on ne veut pas perdre, ceux sur lesquels on veut investir. Ce n'est pas équitable mais vu le contexte, il faudra faire des choix", explique Yamina Moukah.
"Si les entreprises n’accordent pas d’augmentations, à un moment donné, elles devront aller recruter à l’extérieur et c’est souvent plus cher, car il y a une prime au changement. Le salaire auquel elles recrutent va aussi affecter les grilles de rémunération en place dans l’entreprise, car les personnes déjà en poste vont mal vivre le fait d’être moins bien payées", confirme Laurent Blanchard au Parisien.
Augmentations ciblées
Toujours selon PageGroup, dans les nouvelles technologies, l'ingénieur Cloud (2 à 5 ans d'expérience) peut s'attendre à des augmentations salariales comprises entre 7 et 13% tant la demande est forte. Pour l'ingénieur DevOps qui a entre 2 et 5 ans d'expérience, les salaires pourraient augmenter entre 10 et 15% et de 9 à 12% pour certains spécialistes de la cybersécurité dotés de 2 à 5 ans d'expérience.
Dans la finance, le très demandé comptable général qui revendique une expérience comprise entre 5 et 10 ans peut prétendre à 10% d'augmentation en 2024.
Dans le secteur en essor de l'industrie, et de l'industrie verte en particulier, le responsable qualité, hygiène, sécurité et environnement est en position de force pour demander de 9 à 11% d'augmentation, +6 à 8% pour le directeur technique et/ou des opérations (2 à 5 ans d'expérience) ou encore +4 à 8% pour le technicien de maintenance (5 à 10 ans d'expérience).