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Les Mureaux : Face à l’insécurité, les professionnels de la santé arrêtent le travail

Les professionnels de la santé ne sortent plus le soir aux Mureaux, et veulent expliquer leurs difficultés à la population.

Les professionnels de la santé ne sortent plus le soir aux Mureaux, et veulent expliquer leurs difficultés à la population. - -

Après une nouvelle agression aux Mureaux, dans les Yvelines, les professionnels de la santé arrêtent le travail ce vendredi pour mieux expliquer leurs difficultés à la population : agressions, violences, insultes…

Un médecin urgentiste violemment agressé en visite lundi à Villetaneuse, en Seine-Saint-Denis, une jeune généraliste braquée à main armée aux Mureaux, dans les Yvelines, et des agressions de médecins de plus en plus nombreuses du côté de Marseille : le quotidien des professionnels de la santé est de plus en plus dur. Selon les derniers chiffres connus, l'Ordre des médecins a reçu 822 déclarations d’incidents en 2011, contre 592 en 2009.
En signe de protestation, les médecins généralistes, infirmières et kinés des Mureaux, là où une jeune médecin s'est donc faite agresser, ont décidé aujourd'hui de fermer leur cabinet et d'aller à la rencontre des habitants pour leur expliquer leur peur, parfois, de travailler. Le mouvement s'étend d'ailleurs à une partie du département des Yvelines.

« Cette population sera encore plus en difficulté »

Pascal Clerc, médecin généraliste, exerce aux Mureaux depuis 22 ans. Et des incivilités, il en a vues. « A partir du moment où on est en contact direct avec la population, le risque d’agression existe. Ça va d'agressions liées à du banditisme aux invectives, à la limite de l’agression physique, parce qu’ils attendent trop longtemps en salle d’attente ou parce qu’un arrêt de travail ne leur est pas donné alors qu’ils le voulaient ». En dehors des cabinets, aussi, les agressions sont courantes et les autorités multiplient les mesures de sécurité. Résultat, ce sont les patients qui en pâtissent, comme l’explique Alexandra, une habitante des Mureaux. « La nuit, il y a un cabinet médical avec une procédure très strictes, il faut d’abord appeler le commissariat, qui appelle ensuite le médecin. Il faut déclarer notre nom. Qu’ils ne puissent plus travailler en sécurité, c’est quand même dommage », regrette cette mère de famille. Le docteur Clerc veut maintenant faire comprendre aux habitants les conséquences que tout cela peut avoir. « Si les jeunes médecins ne s’installent pas parce qu’il y a des problèmes d’insécurité, cette population sera encore plus en difficulté, demain il n’y aura plus de professionnels pour les soigner ».

« Passé une certaine heure, on n’y va plus »

Infirmière dans la cité, Nadja regrette elle aussi de ne pas pouvoir exercer sereinement. « On est toute la journée à circuler entre les bâtiments, forcément on est plus exposés. On fait tous attention : on ne se ballade pas avec un sac, on ne sort pas facilement le portable, on a peur, parce qu’on est quand même des femmes malgré tout. Ça m’est déjà arrivé d’avoir un patient qui s’est vraiment énervé contre moi, alors que j’étais enceinte, parce que la façon dont je le regardais ne lui plaisait pas, ou je ne sais pas, limite à vouloir me frapper, à hurler dans l’appartement. Le soir, on a restreint, passé une certaine heure, on n’y va plus. On le dit aux gens : hors de question qu’on y aille à 22h ».

« Il n’y aura plus de professionnels de santé »

Marie-Hélène Certain, médecin généraliste aux Mureaux, ferme elle aussi son cabinet ce vendredi et veut en profiter pour parler à la population du quartier : « Qu’est-ce qu’on peut construire ensemble comme solution ? Ils ont un rôle éducatif, aussi pour protéger. Il y a aussi la loi du silence, "je ne dis pas qui c’est, j’ai peur des représailles". Les gens qui font ça, ce n’est pas pour embêter un professionnel, c’est qu’ils se disent "cette personne a peut-être un peu de sous, et je vais lui prendre". Le souci, c’est que si on ne bouge pas, il n’y aura plus de professionnels de santé à très court terme. On parle beaucoup des déserts médicaux à la campagne, pour des raisons démographiques, mais les vrais déserts, ce sera des quartiers populaires comme ici ». La dernière installation de médecin au Mureaux remonte à cinq ans.

Mathias Chaillot avec Thomas Chupin