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Législatives: après la suspension par Attal, quel avenir pour la réforme de l'assurance chômage?

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Cette réforme, unanimement dénoncée par les partis de gauche, visait à durcir les droits des demandeurs d'emplois.

Une décision en forme de main tendue aux électeurs de gauche? Ce dimanche soir, alors que les résultats du premier tour des élections législatives actait la lourde défaite de la majorité présidentielle, Gabriel Attal a annoncé la suspension de la réforme controversée de l'assurance chômage.

La mise en oeuvre de cette réforme devait être confirmée à travers un décret publié ce lundi 1er juillet.

Doze d’économie : Exit la réforme de l'assurance chômage - 01/07
Doze d’économie : Exit la réforme de l'assurance chômage - 01/07
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La réforme n'est pas enterrée mais pourra "faire l'objet d'aménagements, de discussions entre forces républicaines", explique Matignon, renvoyant à de "futures majorités de projets et d'idées" après le second tour des législatives.

"J'ai l'impression que l'assurance chômage sert comme monnaie d'échange" dans l'espoir de constituer une majorité plus large, "en disant grosso modo: 'Si vous venez avec nous, on met ça de côté'", explique à l'AFP Cyril Chabanier, président du syndicat CFTC. Ils sont "super optimistes" d'imaginer une majorité plus large, mais "on ne joue pas avec les chômeurs", remarque-t-il.

Une réforme qui devait durcir encore les règles

Rappelons que ce texte devait réduire, à partir du 1er décembre, la durée maximale d'indemnisation de 18 à 15 mois pour les personnes âgées de moins de 57 ans. Il aurait aussi fallu avoir travaillé huit mois sur les 20 derniers pour être indemnisé, contre six mois au cours des 24 derniers actuellement.

Le texte prévoyait également de modifier les conditions d'indemnisation pour les chômeurs seniors afin de les maintenir davantage en activité, en repoussant la possibilité d'être indemnisé plus longtemps à 57 ans au lieu de 53 actuellement.

Outre la création de 90.000 emplois, le gouvernement misait sur une économie de 3,6 milliards d'euros grâce à cette réforme.

Un rejet unanime à gauche

Le Nouveau Front populaire (NFP) avait dénoncé avec force le projet du gouvernement Attal, n'y trouvant strictement rien à sauver, et promets dans son programme pour les législatives d'abroger le projet en cas de victoire (tout comme le Rassemblement national d'ailleurs).

Les syndicats de salariés ont de leur côté tous dénoncé une réforme qui accroit la précarisation des chômeurs, notamment parmi les jeunes et les seniors. Mi-juin, dans un communiqué conjoint, les huit confédérations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) avaient exhorté le gouvernement à "renoncer à la réforme la plus inutile, la plus injuste et la plus violente jamais vue".

La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, avait notamment dit sa "colère", dénonçant une réforme "uniquement budgétaire" qui va faire "la poche des chômeurs".

Pour la CGT, "cette réforme injuste et violente menace de faire basculer dans la pauvreté plus d'un million de travailleurs et de travailleuses."

Quelles propositions à gauche et chez les syndicats?

Selon L'Humanité, le NFP ne veut pas se contenter d'annuler la dernière réforme en date, il a aussi l'intention d'abroger celles de 2019 et 2022. Dans son programme officiel, la coalition n'aborde néanmoins pas la question de l'assurance chômage mais plutôt celle de l'emploi.

Il s'agit d'"organiser une grande conférence sociale sur les salaires, l’emploi et la qualification."

Y serait discutée le rétablissement de la durée effective hebdomadaire du travail à 35 heures et la semaine de 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit.

Du côté des syndicats, la CFDT dénonce l'absence de propositions de la part du patronat et invite à réfléchir sur d'autres leviers comme le renforcement du bonus-malus. L’objectif est d’inciter les entreprises à allonger la durée des contrats de travail et éviter un recours excessif aux contrats courts. Il consiste à moduler le taux de contribution d’assurance chômage, à la hausse (malus), ou à la baisse (bonus), en fonction du taux de séparation des entreprises concernées. Mais "pour négocier, il faut être deux" expliquait sur BFMTV, Marylise Léon, secrétaire générale de la centrale.

Du côté de la CGT, un document issu de son 52ème congrès, qui s'est tenu en 2019, liste ses propositions concernant l'assurance chômage. Le syndicat estime qu'avant de s'en prendre aux chômeurs, il faut "lutter contre l’abus des contrats précaires, (puis) en finir avec le contrôle des demandeurs d'emploi". La centrale propose également "d’ouvrir des droits aux primo-entrants en abaissant le seuil d’ouverture de droits à deux mois".

Réouverture des négociations?

Désormais, la CGT exige de rouvrir une négociation sur cette question sensible de l'assurance chômage.

Même tonalité de la part de FO. Interrogé par l'AFP, Michel Beaugas, secrétaire confédéral chargé de l’emploi et des retraites, indique qu'"un nouveau gouvernement peut nous demander de rouvrir une négociation" sur la base d'une nouvelle "lettre de cadrage". Mais il faut du temps, donc il faudra "proroger de nouveau le décret de jointure", qui permet de maintenir le dispositif actuel jusqu'au 30 novembre.

"Ce qu'on pourrait imaginer être fait d'ici la fin juillet, en un mois, c'est un plan d'action" pour rouvrir des négociations entre partenaires sociaux en septembre, affirme de son côté Éric Chevée, le négociateur de la CPME.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business