La réforme de l'assurance chômage calme-t-elle les ambitions de départ des salariés?

On a souvent parlé de la "grande démission", ce phénomène qui pousse les salariés à quitter leurs entreprises afin de profiter de meilleures conditions de travail, le tout dans un contexte de quête de sens et de tensions sur le marché du travail.
En France, cette tendance est difficile à évaluer, mais aujourd'hui encore, malgré le contexte économique et géopolitique, les ambitions de changement restent fortes chez les salariés français.
Ainsi, selon une étude réalisée par l'Ifop pour 365Talents (spécialisé dans la gestion de compétences), 52% des 1000 salariés interrogés expriment une envie de changement dans leur vie professionnelle, un taux qui se hisse à 60% chez les moins de 35 ans.
Plus de la moitié des salariés ont des envies de changement professionnel
43% disent envisager de démissionner de leur poste actuel et 44% pensent même à un changement de métier.
Mais entre "envisager", "penser" et passer à l'acte, il y a un pas à franchir. Seulement 7% des salariés français interrogés déclarent avoir effectivement démissionné récemment, et 9% ont changé de métier ces derniers mois, avance l'enquête.
L'entrée en vigueur (au 1er février) de la réforme de l'assurance chômage a-t-elle eu pour effet de calmer les ardeurs?
Pour rappel, la durée d’indemnisation est désormais modulée en fonction de la conjoncture. Ainsi, en période favorable pour l'emploi, cette durée sera réduite d'un quart. La réforme concerne tous les nouveaux chômeurs. "Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit", expliquait ainsi Olivier Dussopt, le ministre du Travail.
La mise en œuvre de la réforme (tout comme les effets de l'inflation) risque-t-elle de renforcer cet écart entre les souhaits des salariés et la réalité de leur mobilité?
Pour les profils en tension, "18 ou 24 mois d'indemnisation, ça ne change rien"
Selon l'étude d'Ipsos, 48% des interrogés disent que "la réforme les incite à rester plus longtemps chez leur employeur actuel". Ce chiffre monte à 55% pour les salariés non diplômés.
Pour autant, cette tendance est loin d'être homogène et varie selon les profils. "Dans le digital, la data, l'intelligence artificielle, dans les métiers qui permettent à l'entreprise de se transformer, la peur du chômage n'existe pas" explique à BFM Business, Yamina Moukah, chasseuse de têtes et fondatrice de l'agence Cherche Susan.
"Ces profils ne se sentent pas concernés par l'angoisse d'être au chômage, ils ont un boulevard devant eux. Cela peut même être une volonté de leur part, pour faire un break, pour se donner le temps justement de changer d'entreprise car leur employeur ne correspond finalement pas à ce qu'ils attendaient en termes de valeur ou d'engagement. 18 ou 24 mois d'indemnisation, ça ne change rien pour eux" poursuit la spécialiste.
"Par contre, cette appréhension va toucher des professionnels qui ont des qualifications moindres" ajoute-t-elle.
Pour les professionnels des métiers en tension, réforme de l'assurance chômage ou pas, "la volonté de bouger est encore plus forte aujourd'hui surtout dans une entreprise qui n'est pas capable de respecter certains engagements citoyens" souligne Yamina Moukah.
La piste de la mobilité interne
Toujours selon l'étude d'Ipsos, les trois quarts des salariés interrogés déclarent ne rester que 5 ans ou moins au sein d’une même entreprise. Là encore, ce chiffre couvre des réalités bien différentes.
"On observe d'ailleurs des salariés récemment recrutés qui démissionnent très vite. Ils n'hésitent pas quand cela ne colle pas avec leurs aspirations" explique la chasseuse de têtes.
Mais pour les salariés des métiers moins en tension où la tendance serait de rester dans son entreprise malgré des velléités de changement, la mobilité interne est une piste à explorer.
"Cette étude nous conforte dans l’idée que la mobilité interne peut apparaître comme un excellent compromis pour les salariés: ces derniers gardent alors tous les avantages de leurs contrats actuels (pas de période d’essai, connaissance de la culture d’entreprise, pas de perte d’avantages liés à l’ancienneté, etc.) tout en bénéficiant d’un effet 'bol d’air'" commente Loïc Michel, fondateur de 365Talents.
Pourtant, 60% des salariés interrogés estiment qu'il est difficile de changer de métier au sein de leur employeur actuel.